9 ter – Mémoires d’un Appelé en Algérie – Guy Archambaux
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Quelques mots de présentation.
Guy et moi étions à Paul Robert au même moment
mais ce n’est pas en ces lieux que nous nous sommes rencontrés.
Pourtant nous étions tous voisins dans ce petit village.
Peut-être nous sommes-nous vus
mais ni lui, ni moi, ne nous souvenons.
Plus de 50 ans après, alors que j’effectuais de nombreuses recherches
pour réunir les anciens de Paul Robert,
Je fus contacté par Guy qui voulait participer à nos retrouvailles.
Malheureusement pour lui, pour nous tous,
cette année là, c’était en 2012, nous avons annulé ce rdv.
Mon ami Claude Barthet venait de décéder.
Guy décida tout de même de venir dans la région pour nous voir.
Avec Victor nous sommes allés à Saint Ambroix pour l’accueillir .
Jean-Baptiste mis au courant de cet événement pris la décision
de nous recevoir chez lui pensant que ces petites retrouvailles
seraient plus conviviales en petit comité restreint.
Ensemble, nous avons rejoint Courry pour retrouver Jean et Ma-Jo.
Voilà, ce qui s’est passé
entre appelés du contingent plus de 50 ans après.
Et combien sont-ils comme nous à s’être croisés au foyer,
au bar chez Loulou ou tout simplement dans les rues de Paul Robert.
Ne dit-on pas que seules les montagnes ne se rencontrent pas.
Ce fut une journée inoubliable, nous avons échangé nos souvenirs,
tous différents mais tellement passionnants.
Depuis, nous ne nous sommes plus quittés.
Guy m’a confié ses Mémoires et m’a autorisé à les publier.
C’est avec le plus grand plaisir que je le fais.
Merci Guy.
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MÉMOIRES D’UN APPELÉ EN ALGÉRIE
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1958 – 1959
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J’avais 21 ans . Embarqué à Marseille le 2 décembre 1958, c’était ma première traversée, et mon premier grand voyage !
Les garçons nés en 35/40 étaient mobilisés pour aller en Algérie défendre les intérêts français, et ceux des colons installés là-bas depuis de nombreuses années .
Nous étions jeunes et à prime abord c’était une aventure… mais qui nous a laissé un goût amer .
La Méditerranée était calme, le temps très beau et le voyage s’est effectué rapidement de 16 à 18 heures .
A notre arrivée à Alger, nous avons eu droit à une piqûre contre la fièvre jaune .
Après une nuit de repos, nous avons été transférés, sans armes, par le train à Orléansville, puis en convoi pour Paul-Robert, entouré par un groupe de protection qui s’est amusé à tirer quelques rafales pour nous mettre dans le bain … et voir nos têtes et nos réactions .
Nous n’étions pas rassurés du tout !
Qu’est ce qui nous attendait ??
Tous nos souvenirs familiaux, sentimentaux et amicaux étaient dans nos têtes, mais restaient derrière nous.
Comme nous tous, à mon arrivée dans ce village de Paul-Robert, j’étais un peu perdu.
La première nuit j’ai dormi à l’armement, avec un soldat Viet qui était blessé à un doigt, et dont le régiment était en opération dans le secteur . J’ai dormi également avec des militaires du commando, et ensuite à la salle des fêtes avec les chauffeurs, et dans la chambre des transmissions.
C’est dans ce dernier endroit, qu’un jour, en faisant le ménage, nous avons découvert une caisse de grenades,
attachées par trois avec des ficelles et dégoupillées …
Après enquête, il semble que ces munitions avaient été laissées par des appelés qui nous avaient précédé .
Précédemment, en Allemagne, j’étais électricien char à Kaserslauten, et pendant 8 mois instructeur, ensuite à Wittlich dans un régiment de chars le 16 éme RA .
J’ai donc pris mes fonctions en Algérie en tant que chef de garage du régiment, responsable des réparations et entretien des véhicules, avec deux coéquipiers :
Gérard Taton préposé au ravitaillement d’essence et aux convois Michel Attard chargé du magasin, sous le château d’eau, en face de la cave viticole.
Nous avons eu une grosse surprise car avec notre parc de véhicules, il y avait quelques vaches , d’origine inconnue, mais on nous a expliqué qu’à la suite de ratissage du régiment Viet, elles étaient destinées à améliorer nos repas.
Plusieurs ont été tuées sur place et pendues au G.MC dépannage, et au Café – épicerie Martin .
Cette opération viande a été la dernière, car comme j’étais de Colombey les Deux Églises, synonyme de Général De Gaulle qui y avait sa résidence familiale… méfiance !!!
L’employé de chez Martin a été inquiété plusieurs fois par les militaires de l’O.R, et comme punition il ramassait les poubelles .
Léon Trebern et Gérard Taton : Deux bons amis.
Lorsque je suis allé faire mes classes, et une partie de mon service militaire, j’ai refusé de faire mes E.OR…sans savoir pourquoi ?
Peut-être la peur de me retrouver dans un commando en Algérie !
Notre P.C de Paul-Robert était commandé par les commandants Sabourou et Picaud, ce dernier résidait à Chalons Sur Marne .
J’ai commencé mes fonctions de chef de garage avec le grade de brigadier et j’ai fini chef , pas sergent.. car lors de l’examen je me suis pris la tête avec un commandant arabe, en Allemagne, sur un problème d’électricité :
La question : Si je branche une ampoule électrique à un bout de fil téléphone de dévidoir, et l’autre bout dans une prise de courant, est ce que ça fonctionne ?
J’ai répondu oui, et il aurait souhaité que je dise le contraire…
Je lui ai proposé de tenir le fil dans sa main, et de brancher.
Il m’a mit dehors, et le soir au PC j’ai eu droit à une explication avec les grands chefs, et à un zéro pointé, qui m’a suivi tout au long de ma vie militaire, et cela malgré le système O.R.
Pourtant, pendant mon séjour en Algérie, par deux fois, j’ai reçu une demande de mutation à l’école d’officiers de réserve de Cherchell, que j’ai obstinément refusé, malgré la pression de quelqu’un d’inconnu qui en avait fait les demandes de dossier .
Dans les années 2000, j’ai fait faire des recherches aux archives de Pau pour connaître le nom du demandeur, mais il n’y avait pas de traces.
Dans notre régiment il existait un service O.R, composé principalement de militaires ayant fait l’Indochine, et qui avaient un comportement bizarre…
Quand ils ont su que j’étais de Colombey, tout a changé :
Encore l’influence du nom du Général de Gaulle, et à l’époque ce n’était pas peu dire !
Changement aussi de mentalité quand est survenu le décès du chef arabe de la Wilaya, Mohamed Bouguera, le 4 ou 5 mai 1959, suite à un accrochage avec les Bérets Verts dans notre secteur :
Les militaires de l’O.R, contrairement à leurs habitudes, sont venus chercher un 4X4 sur lequel ils avaient installé une potence au bout de laquelle se balançait un F.L.N décédé, qu’ils ont promené sur les marchés arabes de Paul-Robert et Rabelais.
J’avais pris des photos de cet odieux spectacle à Paul-Robert, mais comme par enchantement mon appareil a été volé dans notre chambre vers la cave coopérative et les cuisines que je partageais avec Gérard Taton et l’Adjudant Oudard .
Suite à ce regrettable incident, il y a eu de notre part un affrontement avec « un fou » des O.R, et il me semble qu’à partir de ce jour nous n’avons plus effectué de convoyage de poubelles … dans des camions bâchés.
Les suspects capturés pendant les ratissages étaient enfermés en contre-bas de notre village, vers Rabelais. La surveillance exécutée par le poste au dessus du P.C ( je crois .. ) laissait à désirer, et par l’enclos beaucoup s’évadaient mais certains restaient là, car ils étaient nourris et oisifs, bien tranquilles !
Comme tous les appelés, je n’ai jamais assisté à un interrogatoire, ces interventions étaient réservées aux engagés…
Dans la vie civile, le sujet était soulevé, et donnait cours à des controverses, des questions se posaient, et certains disaient » j’ai vu », mais ils ne savaient même pas ce qu’était la « gégéne ».
Six mois après mon arrivée à Paul-Robert, comme beaucoup de mes camarades, j’ai eu la fièvre jaune, suite à la mauvaise qualité du vaccin qui nous était fait à notre arrivée en Algérie , ce qui m’a permit de passer huit jours de repos à Alger.
Au début de mon séjour à Paul-Robert, une tente habillement était installée dans la cour, et il y avait là quelques filles de joie venues de je ne sais où… Elles ont définitivement disparu , et cet intermède ne s’est pas renouvelé .
En janvier 1959 , j’ai reçu les bons vœux du Général De Gaulle, président de la République . J’étais très ému.
Pendant mon séjour à Paul-Robert, nous avons eu beaucoup de morts, plus d’une dizaine, peut-être quinze… lors d’opérations de déminages ou de convois .
Au printemps 1959 , j’ai aidé à l’installation d’un poste de surveillance vers Fourmeau à 5 kilomètres environ du P.C.
Ce groupe de militaires est resté là, à mi-pente, en face d’ une montagne, et deux jours après leur installation, ils ont été attaqués pendant la nuit, et froidement égorgés.
Le poste de radio avait été détruit au début du combat, et ils n’avaient plus de communications avec le P.C de Paul-Robert. Ils se sont vaillamment défendus, et c’est seulement dans la journée, un dimanche, si je me souviens bien …, en début d’après-midi que j’ai entendu des tirs de mitraillette lointains, et que j’ai prévenu le commandant Picaud qui était au Mess.
Un convoi militaire a été aussitôt dépêché pour leur prêter secours .
Un vrai désastre ! Seulement quelques rescapés qui ont fait les morts pour avoir la vie sauve, mais dans quel état psychologique les pauvres ! Leurs camarades avaient été sauvagement égorgés dans leur lit, et je passe certaines atrocités .
Comment se remettre d’une telle épreuve ?
Pour rendre hommage à nos morts, seulement deux personnes étaient présentes à Orléansville, le commandant Picaud et moi comme chauffeur .
Par deux fois, j’ai véhiculé en tant que chauffeur, le chef d’escadron Picaud, commandant du 1/18° R.A, dans notre Peugeot 203, sans escorte. Armé d’une mitraillette, il avait un abord baroudeur avec son béret rouge de parachutiste.
Lors de mon premier voyage avec lui, il m’a demandé comment j’étais armé, et quand je lui ai montré mon seul pistolet automatique, il m’a copieusement engueulé. Deux jours après, j’ai assuré avec lui le même service, mais j’avais tout ce qui fallait dans le véhicule …
A Orléansville, nous sommes allés boire un verre dans un bar, avec nos armes, mais à notre retour la Police Militaire avait fait un P.V pour abandon de véhicule, et avait prévenu notre régiment qui a été très inquiet jusqu’à notre retour.
Avec le recul, je me dis que les gars de notre commando n’avaient pas la vie rose, et très souvent j’y ai pensé, et y pense encore aujourd’hui : c’est avec courage qu’ils ont accompli leur service militaire dans des conditions difficiles et parfois scabreuses. Aujourd’hui, ce n’est pas la valeur militaire qui devrait être décernée, mais la croix de guerre, car c’était une vrai guerre, sournoise et meurtrière !
A la fin de mon séjour à Paul-Robert, des projets étaient en cours pour améliorer la vie du village : Une école, une gendarmerie … Je pensais que ces travaux n’avaient pas été réalisés, mais après renseignements informatiques j’ai constaté que de nouveaux bâtiments existaient.
Pour fêter notre retour en France , nous avons fait un « stage » arrosé au bar au dessus de la cave… notre ami Léon Trébern a eu le genou démonté, et c’est avec un plâtre qu’il a effectué le voyage sur le bateau qui nous ramenait à Marseille . Gérard Taton et moi même l’avons beaucoup aidé, mais nous n’avons jamais eu de ses nouvelles alors que nous étions très amis .
Nous avons embarqué le 29 octobre 1959 pour Marseille, contrairement à l’ aller, notre traversée a été longue et pénible, avec une grosse tempête , et nous sommes arrivés à Marseille le 31 octobre, heureux de retrouver la France, et bientôt nos familles et amis .
Personnellement, j’ai été démobilisé le 09 novembre 1959 .
Jusqu’en 1962, j’ai travaillé comme mécanicien dans le garage Gadot de Colombey les Deux Eglises, date à laquelle j’ai racheté le fond de commerce que j’ai transféré avec une nouvelle construction sur un terrain route nationale 19.
J’ai exploité ce garage jusqu’en 1997, en représentant diverses marques voitures et matériel agricole : Renault, Citroën, Peugeot, Concessionnaire Matra puis Porsche; tracteurs Renault, Mercèdes et Fiat, et Braud en moissonneuses-batteuses et pièces détachées.
En retraite depuis le 1° Janvier 1998, ainsi que ma femme qui travaillait avec moi en tant que secrétaire comptable depuis 1967 jusqu’au 1° janvier 1997 , nous sommes restés à Colombey dans le pavillon 23 RN 19 que nous avons fait construire en 1968 .
Le temps passe très vite, mais les souvenirs restent… et l’Algérie a marqué une génération entière, avec des années de jeunesse perdues pour rien.
Parfois je me suis souvenu, ou je me souviens encore :
A Paul-Robert, j’avais appris qu’un sous-lieutenant de ma région et un autre ??? , avaient été tués le 31 octobre 1958 en voulant désamorcer une mine vers Rabelais.
Dans les années 2.000, j’ai fait des recherches pour retrouver ses coordonnées, il habitait Cirey Sur Blaise et se nommait Albert – Paul Velter .
Dans les années 1965… nous avons eu à Colombey les Deux Églises une institutrice qui avait enseigné à Paul-Robert, mais qui ???
Une famille Humbert exploitait des vignes à Paul-Robert, le nom d’un vigneron que j’ai retrouvé en Corse vers Porto-Vecchio, mais qui m’a dit ne pas venir de là …
Pendant mon séjour, une ancienne institutrice m’a reçu plusieurs fois pour déjeuner, sa maison se situait à côté de la ferme ou logeaient les chauffeurs.
J’étais accompagné par un chauffeur : Lucien Schneighoffer qui réside à Montsaon en Haute-Marne .
Chaque année j’ai des nouvelles de Gérard Taton, qui dans les années 80 est venu passé un Week-end chez moi avec sa famille. Depuis nous nous téléphonons de temps en temps.
J’ ai retrouvé Michel Attard à Chauny dans l’Aisne. Il a de gros problèmes de santé, et est malade du cœur.
En septembre 2012, mon épouse et moi sommes allés à Courry dans le Gard, pour une rencontre entre quelques anciens de Paul-Robert. Pendant quelques années, André Dumas (voir son blog) a réussi à réunir une quarantaine de participants épouses comprises, mais en 2012, nous nous sommes retrouvés quatre anciens de Paul-Robert, et c’est Jean Boutte et sa femme Marie-Jo qui nous ont reçu dans leur charmante maison de vacances, ils sont de Fouquières les Bethune 62400.
De gauche à droite : Guy Archambaux Colombey les 2 Églises
André Dumas Nîmes
Jean-Baptiste Boutte Fouqières les Béthunes
Victor Grandordy Hyères
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J’ai retrouvé des copains que j’avais seulement croisé très peu de temps à Paul-Robert : André Dumas, Jean Boutte et Victor Grandordy .
Même si nous ne connaissions pas, c’était la fête. Les souvenirs sont remontés : nous avons rit, chanté et pleuré et beaucoup parlé ! C’était le 16 septembre 2012
Les épouses
De gauche à droite Marie José Boutte
Françoise Archambaux
Edith Grandordy
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Autrement, à part quelques Haut-Marnais,
et ceux cités ci-dessus,
je n’ai pas retrouvé mes copains de Paul Robert.
C’est la vie !
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Le 7 novembre 2013
Guy ARCHAMBAUX
23 RD 619
Colombey les Deux Eglises 52330
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