Algeriede1959a1961 – 1/18 RA – Paul Robert – Orléansville

4 – Mon séjour en Algérie – Région Orléansville – Paul Robert 1/18 ème RA (1ère partie)

Vue aérienne de Paul Robert

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Première partie de mon séjour en Algérie

De septembre à décembre 1959

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Le 16 septembre, nous partons de Montpellier pour rejoindre Marseille. En arrivant à la gare Saint Charles 

M Gare de Marseille   Une vue de l’immense escalier qui  permet d’accéder à l’entrée de la gare.

Nous sommes accueillis par un comité de réception. Dans le grand hall de cette gare, le bruit est si intense qu’il me vient tout à coup à l’esprit les paroles d’une chanson de Colette Renard qui a pour titre « Tais-toi Marseille ». Allez, pendant qu’il est encore temps, faisons-nous plaisir « Marseille, tais-toi Marseille – Tu cries trop fort – Je n’entends pas claquer les voiles dans le port ». Mais revenons vite à notre Comité de réception. Ils ont sans doute peur que nous partions. Ils ont forcément reçu des ordres. Pour nous recevoir, ils ont revêtu la tenue réglementaire, casque, guêtres et PM aux poings. Ils nous demandent de les suivre, ce que nous faisons sans contester. Devant la gare, au bas des escaliers, les camions sont garés en ligne et n’attendent que nous.

Nous embarquons à l’arrière sur les banquettes non rembourrées, les «tape-culs», et nous sommes dirigés vers Sainte Marthe. 

Sainte Marthe, le parc détesté par tous.  ste-marthe-a-marseille1

Le coin me déplaît énormément, il faut que je trouve le moyen de m’évader. Tranquillement je fais une petite inspection des lieux et dès que j’aperçois la faille, je m’engouffre à l’intérieur et quelques secondes plus tard, je tends le bras aux premières voitures qui vont dans ma direction.

A l’époque, on ne laissait pas un militaire sur la route. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’avais pris place à l’avant d’une 203. Je voudrais bien aujourd’hui revoir ce Monsieur si gentil qui se détourna de son itinéraire pour me conduire sur la route d’Arles.

J’ai dû encore patienter cinq minutes avant qu’un deuxième conducteur ne me prenne dans sa superbe 2 CV. Une longue discussion s’engagea entre nous au sujet de l’Algérie. Il paraissait très au courant de la politique du moment. Ainsi, le temps passe très vite et sans trop nous en rendre compte, nous sommes arrivés à Arles, la ville où il réside. Je commençais à le remercier, quand tout à coup, il me dit : «Allez petit, je t’emmène à Nîmes». Vous n’allez pas le croire, j’ai eu envie de le serrer dans mes bras et de l’embrasser.

A cette époque, le périphérique n’existait pas à Nîmes, il me déposa devant la gare SNCF située entre le Boulevard Talabot et le Boulevard Sergent Triaire. Pour moi, rallier la maison de mes parents était une simple formalité.

A mon arrivée, j’ai vu ma mère pleurer de joie. Elle me serra très fort dans ses bras et dans un sanglot qu’elle ne pouvait contenir elle me dit «Dédé, mon petit, tu t’es évadé, et s’ils te retrouvent, oh mon Dieu» ! «Mais non, lui dit la mamé Léa, il a encore fait le mur». Elle avait tout de suite tout compris. J’ai du expliquer que je ne faisais que passer et que dès le lendemain, je repartirai en stop pour retrouver mes copains restés à Sainte Marthe. Je ne souhaitais pas me lancer dans des explications qui auraient pu les choquer, leur déplaire. Vite, très vite, je revêts ma tenue civile et fonce vers le centre ville où travaille ma fiancée. Je la vois à travers la vitrine, elle sert une cliente, je ne peux pas la déranger. A son tour, elle m’aperçoit, surprise, bien évidemment puisque je devrais être à Marseille mais l’étonnement fait vite place à un sourire plein de joie et de gaieté. Dès qu’elle peut, elle fait un petit signe de la main. Je l’attends quelques minutes et nous revenons vers la maison. Ce soir, nos familles passeront ensemble la soirée. Tous, éviteront de parler de mon départ, d’évoquer l’armée, l’Algérie. Pour faire passer le temps nous nous lançons, comme nous l’avons souvent fait auparavant, dans une partie de cartes. Le rami est le jeu que nous préférons. Puis, tard dans la nuit, nos parents nous laissent seuls sachant bien que nous avons besoin de nous retrouver avant le grand départ.

Le 17 septembre, en début d’après midi, je reprends la direction de la route d’Arles en quête d’âmes sensibles. Comme la veille, j’ai eu beaucoup de chance, un direct Nîmes Marseille.

Je suis arrivé tout juste une heure avant que l’on reparte dans ces camions minables pour rallier le port. Colette Renard, encore elle, cette chanson, je le constate aujourd’hui, m’a profondément marqué. Pourquoi….. je l’ignore vraiment. Voilà un couplet, peut-être est-il approprié à ce port «Je vais voir les agences – Les noms des bateaux en partance – C’est fou, je connais leurs chemins – Mieux que les lignes de ma main – Adieu les amours en gondole – Les nuits de Chine, les acropoles – La terre de France à mes souliers – C’est comme des fers bien verrouillés – Je vends mon histoire aux touristes – On fait des sous quand on est triste – Les escudos et les dollars – Rien de meilleur pour le cafard – Pourtant j’ai toujours dans ma poche – Un vieux billet qui s’effiloche – C’est tout mon rêve abandonné – Je n’ose pas le déchirer».

  M marseille 1

M Marseille

M marseille 2 Quelques vues du vieux port de Marseille dominé par Notre-Dame-de-la-Garde surnommée de la Bonne Mère. Véritable palladium de la ville de Marseille, Notre-Dame de la Garde est depuis le Moyen Âge considérée comme la gardienne des marins et des pêcheurs.

M le ville d'Alger1  Le « Ville d’Alger »

C’est sur le « Ville d’Alger » que nous avons embarqué. Un bien beau bateau qui ne me laisse que de mauvais souvenirs. Plus tard, je vous raconterai pourquoi. Je ne peux passer sous silence Serge Lama qui chante cette belle chanson   »L’Algérie ». Elle est merveilleusement vraie.                                                                               

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Dans ce port nous étions des milliers de garçons,

Nous n’avions pas le coeur à chanter des chansons

L’aurore était légère, il faisait presque beau. 

C’était la première fois que je prenais le bateau

L’Algérie

C’était une aventure dont on ne voulait pas

L’Algérie

C’est là qu’on est parti jouer les p’tits soldats

Ce n’était pas un port à faire du mélo

Et pourtant je vous jure que j’avais le cœur gros

Quand ils ont vu le quai s’éloigner, s’éloigner

Y en a qui n’ont pas pu s’empêcher de pleurer

Un port ce n’est qu’un port, mais dans mes souvenirs

Certains soirs malgré moi je me vois revenir

Sur le pont délavé de ce bateau prison

Quand Alger m’a souri au bout de l’horizon.

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Venons-en maintenant à mes « mauvais » souvenirs. La traversée…… pas vraiment une partie de plaisir, je vous l’assure et je vais de ce pas « faire court ». Nous sommes tous entassés sur le pont mais je m’aperçois bien vite qu’il y a du mouvement vers l’avant. Ce sont les marins qui louent leurs cabines pour la nuit à ceux qui ont quatre sous pour payer. Bravo à l’armée française. Après Sainte Marthe, nous voilà à nouveau parqués comme des bestiaux. Faut-il que la France soit pauvre pour ne pas donner à ses militaires un petit coin pour dormir. Heureusement, il y a parmi nous des soldats qui ont pris dans leur sac leurs postes radio qui fonctionnent avec des transistors. Ce soir là, « Milord », « Petite fleur » et comme un fait exprès, « Ne me quitte pas », j’y vais de ma larmette. Vous raconter la suite de notre nuit en mer, ce que nous avons vécu sur ce bateau, ne me semble pas être une très bonne idée, laissons cela aux mauvais souvenirs.

J’ai appris tout à fait par hasard, très longtemps après ma libération, que le « Ville d’Alger » avait disparu de la circulation en 1969. Peut-être avait-il été victime de sa vieillesse.

Après cette nuit de galère, alors que le jour commence à peine à se lever, nous apercevons enfin les côtes de notre Algérie française

M Carte d'Algérie (à ce moment là, elle l’était encore …. mais pour combien de temps) nous sont apparues vers 6 heures le 18 septembre. Nous ne pouvions pas encore distinguer Alger mais nous approchions de cette terre inconnue pour la plupart d’entre nous. Au loin, les montagnes auxquelles je ne sais donner de couleur tellement les nuages font obstacle. Est-ce là que nous devons aller ?

Pour nous faire patienter on nous sert un repas sur un tout petit plateau. Repas, vous avez dit repas, je me renseigne, oui c’est bien d’un repas qu’il s’agit puisque c’est l’annonce que l’on venait de nous faire. C’est en fin de matinée que nous accostons. Nous sommes tous débarqués et déposés sur le quai. Je crois me souvenir avoir lu une épigraphe du genre «Voilà la France» ou «Ici vous êtes en France» ou quelque chose de ressemblant. Quel accueil ! Cette parenthèse refermée, nous avons finalement apprécié notre débarquement à Alger.  

M Alger le port   

Le Port d’Alger dans les années 50

M Alger le jardin des plantes 

Le jardin des plantes à Alger en 1959

M Alger sortie du port   

Vue sur le port d’Alger en 1959

M Alger vue sur le port   

Sortie du port d’Alger en 1959

M Alger Centre de détente

Centre de détente à Alger

 M La baie d'Alger

La Baie d’Alger 

La tristesse aurait pu nous envahir, eh bien non.

Cela s’explique-t-il !!!

Sitôt débarqués, sitôt embarqués et cette fois en gare d’Alger. 

M - Alger la gare   La gare à Alger

Nous empruntons un train qui va nous conduire à Orléansville. 327 Km.

Je vous l’assure mais vous l’avez probablement compris, nous n’avons pas pris place à bord d’un TGV. Avec un arrêt à chaque gare, le temps nous paru interminable. Par moment, nous avions l’impression que nous n’arriverions jamais.

Puis, un ralentissement, l’arrivée du train est annoncée.

Nous sommes enfin à Orléansville.

 M carte Orléansville

Le blason de la ville   M Le blason de la ville d'Orléansville

M Gare d'Orléansville   La gare d’Orléansville

Quand le train entra en gare, nous nous sommes regardés et d’un seul cri, tous s’exclamaient “ENFIN” sans même s’être concertés. Notre jeunesse nous a permis de tenir le coup mais il ne faut pas exagérer.

Mais, mais, mais….. Nous n’étions pas au bout de nos peines. La suite du trajet devait se faire à nouveau à bord de camions militaires. 60 kilomètres séparaient Orléansville de Paul Robert mais faut-il le préciser, les nationales, et les départementales n’existaient pas dans cette région d’Algérie. Cramponnez-vous, nous démarrons. La traversée de la ville se passe sans embûche mais dès que nous empruntons les petites routes non bitumées, c’est le drame. On ne savait plus où mettre les mains pour se tenir assis sur notre siège (un petit banc de bois non rembourré). Nous avons mis plus de deux heures pour faire ce petit déplacement. Quelle horreur !

Et voici “ENFIN” le village de PAUL ROBERT

 M carte Paul Robert

M vue aérienne de Paul Robert 1

Vue aérienne du village, sur la gauche on voit une partie de la grande Cave Coopérative, Vue aérienne de Paul Robertsur la droite la Gendarmerie.

Ce village doit son nom à Monsieur Paul Robert ancien Maire d’Orléansville, tué à Alger en 1910 lors d’un duel. 

M Paul Robert    Monsieur Paul Robert

M Duel PR 2  L’original de la publication au lendemain du duel. 

 Quelques mots pour faire une succincte présentation de ce village qui s’appelait encore TAOUGRIT en 1910.

On trouve deux orthographes différentes, TAOUGRIT et TAOUGRITE. Je vous donne ici l’explication que m’a communiquée Madame Marguerite BROCHE.

TAOUGRITE est le nom du village après l’Indépendance.

TAOUGRIT est le nom du village en 1910 à l’arrivée des premiers colons. 

Il y eut une attribution officielle des lots et ensuite l’installation des deux premières familles :

COURTIN et HELDT le 14 décembre 1910.

A noter que “les COURTIN” étaient les grands-parents de Madame Marguerite BROCHE qui réalisa avec les souvenirs des habitants, la Monographie de PAUL ROBERT. 

Et que “les HELDT” étaient les beaux-parents de LOULOU MARTIN patron du café-restaurant, hôtel de Paul Robert et de la petite épicerie attenante au bar. Tous les militaires qui ont séjourné à Paul Robert ont connu cet univers tant il était prisé par chacun d’entre eux.

LOULOU et sa femme MARINETTE exploitaient cet espace avec Mimi leur fils jusqu’à son départ au service militaire. A son retour, il s’est marié avec HUGUETTE et tous deux sont allés au GUELTA cultiver leur terre. Parfois, en été où pour les fêtes de Pâques et de fin d’année, le couple venait à Paul Robert pour aider LOULOU et MARINETTE. C’est ainsi que les militaire dont je fais parti ont connu toute la famille.

Le nom de PAUL ROBERT fut attribué officiellement au village par décret du 7 juillet 1913.

Ainsi sont nés les Paul Robertois et les Paul Robertoises.Vue aérienne de Paul Robert

J’ai découvert, tout à fait par hasard, le site de Luc TRICOU, 

Paul Robert – Alger de ma jeunesse

Je vous invite à le consulter, vous y trouverez des informations enrichissantes sur Paul Robert,

http://alger-roi.fr/Alger/portraits/pages_liees/13_paul_robert_pn109.htm

Alors que Luc évoque «Alger» de sa jeunesse, je pense tout à coup à la mienne qui a commencé sur les Boulevards de Nîmes et qui vient se terminer, ici, à Paul Robert.

Hier encore j’avais vingt ans, Je caressais le temps, Et jouais de la vie, Comme on joue de l’amour, Et je vivais la nuit

Sans compter sur mes jours, Qui fuyaient dans le temps, J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air,

J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés, Que je reste perdu ne sachant où aller, Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre.

J’ai le vague à l’âme mais la vie continue malgré tout.

Quelques photos permettent déjà de mieux connaître ce village dans lequel je vais demeurer.

M Vue aérienne d'une rue de PR   

Rue du milieu

M LE BERBERA, l'entrée de Paul Robert et la route de Rabelais

Du village, on a une vue sur les vignes qui produisent

le très bon vin de Paul Robert

  M Route de Paul Robert à Rabelais, face à nous LE BERBERA, altitude 609 m

Au loin, le Berbera altitude 609 m

On distingue en contrebas la route de Rabelais qui conduit à Paul Robert.

Ce lieu tant attendu nous laisse rêveurs, pensifs, soucieux.

A la descente des camions, un Maréchal des Logis Chef nous accueille.

Il nous rassemble devant une immense cave coopérative. 

Cave Coop

G - G - Cave coopérative. Au 1er plan le bâtiment dépannage (2)

Il nous apprend que le vin de Paul Robert a sa réputation dans le monde vinicole.

  M Marcelin   

Probablement grâce à son Président, Monsieur Olivier Marcelin.

M étiquette vin PR  M étiquette vin

Étiquettes anciennes et nouvelles

 M minouche et le vin Bouteille du bon vin de Paul Robert bien gardé par notre Minouche. On peut s’étonner de l’attitude de cette chatte et de l’attirance qu’elle manifeste pour ce vin.  Le photographe, MARTIN Roland, a bien voulu nous donner l’explication. La bouteille était remplie de lait et quelques gouttes de ce nectar avaient été déposées sur les lèvres de notre Minouche… d’où son air gourmand !

Les choses sérieuses commencent. Le Maréchal des Logis Chef nous présente brièvement le régiment, le 18° RA, dans lequel nous sommes affectés. Il nous montre de loin, le grand bâtiment (le PC, Poste de Commandement) où se trouve le bureau du Commandant Picaud.  Commandant Picaud 1 Puis, il sort de sa poche une feuille et commence l’appel. Des brigadiers chefs venus en renfort nous récupèrent en fonction de notre affectation. Je me retrouve tout naturellement avec les transmissions. Dès que nous sommes au complet, nous partons, devinez où, vers le fourrier, mais c’est bien sûr. Cette fois, nous ne serons pas surpris du déguisement. Le carnaval, nous connaissons, nous avons déjà vécu cela à Montpellier. 

Curieux que je suis, je me rapproche du responsable, histoire de faire causette et d’en savoir un peu plus sur les tragédies de Paul Robert. Il se plait à me foutre la trouille en me racontant quelques récits sur les embuscades, les voitures qui sautent sur les mines, les blessés et les morts et « de fil en aiguille », il en vient à me relater la mort du Maire du village, il s’agissait de Monsieur Aigrot, il avait été attaqué dans son champ par six rebelles en tenue de para. Ils ont tiré en rafales sur lui à moins de trente mètres puis ils sont repartis. Grièvement blessé, il est emmené à l’infirmerie où il meurt peu après. C’était le 4 juillet 1959 à 18 heures. L’événement était précis dans sa mémoire. Moins de deux mois avant mon arrivée ici. 

Mais pourquoi tout à coup je pense au point de départ, à Montpellier… mais pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt. Je me surprends à ne pas me comprendre. Comment ai-je pu arriver jusque là sans avoir une seule pensée, pour Montpellier, pour Nîmes, pour ma famille, pour ma fiancée. Je suis à plus d’un millier de kilomètres, de tout ce qui m’est cher, et c’est seulement maintenant que je m’en rends compte. J’ai subitement peur mais je ne sais pas au juste de quoi et pourquoi. Un froid me glace le dos, c’est sans doute l’histoire du Maire que je viens d’apprendre qui me met dans cet état. Ils sont là, aux portes du village et on ne le sait pas. Là, à cet instant, mes pensées vont vers la France. «Où êtes-vous, vous reverrai-je un jour, et si je venais de faire mon dernier voyage… et si je ne devais pas revenir… et si… et si…» ? Le fourrier me sort de mes pensées, il était tant, je commençais à plonger…«C’est bon, dit-il, vous pouvez disposer, je vais servir le deuxième groupe».

M nouvelle tenue PR   

Je pense que vous serez d’accord avec moi. Elle est quand même belle ma nouvelle tenue d’été du 1/18 ème RA.

Ce n’est pas vraiment carnaval, n’est-ce pas ! J’allais oublier de vous donner une petite information qui a toute son importance. Ici, à Paul Robert, on circule librement dans les rues pour se déplacer d’un endroit vers un autre. La caserne et ses murs, c’est du passé. Il en est de même des «Garde à vous», des saluts militaires main au calot et des vouvoiements. Il faut oublier tout cela. Nous sommes tous en liberté. D’ailleurs, où irions-nous ! Où pourrions-nous aller ! Nous arpentons les rues de ce minuscule village pour rendre visite chez l’armurier. Ma dotation me fait sourire et m’énerve en même temps. Je viens de recevoir en tout et pour tout, une ceinture, une sacoche, et un PA (pistolet automatique). Je me vois mal faire face à l’ennemi avec un petit PA. Le brigadier qui découvre mon inquiétude, essaie de me mettre en situation pour que je comprenne mieux. Les radiophonistes, lorsqu’ils partent en «opé» avec la section «commando», ont pour mission de suivre l’autorité, un adjudant chef, un sous lieutenant parfois un aspirant. Leur rôle est de recevoir et de transmettre des messages au poste de commandement.

 M tenue phoniste   Mon poste,le SCR 300,il pèse 17,500 Kg, 

Ce poste, lorsque tu l’auras sur le dos avec tout ton équipement, tu comprendras alors que moins l’arme est lourde et encombrante, mieux on est pour crapahuter. Il nous conduit vers ce qui va être notre prochaine chambre d’hôtel. En fait, nous allons loger dans une ancienne écurie. Ma façon de voir les choses, n’est que l’aboutissement de mes pensées.

 M Notre chambre   L’entrée de notre chambre qui était aussi notre réfectoire.

Ce charmant logis a juste été un peu restauré pour accueillir les soldats que nous sommes. Mais nous avons tout le confort devant notre porte. Une cour pour se détendre,

M JJ et moi dans la cour   Avec mon ami Rousseau, surnommé Jean-Jacques, nous sommes ici en train d’échanger quelques balles

un étendoir, une douche fabrication maison et un WC, il s’agit d’un héritage que nous ont laissé les anciens.

 M avec Bonnet  Au fond de la cour, la douche.

Remarquez tout au dessus, le grand bidon que nous devions alimenter en eau.

Les anciens, tiens, parlons-en. Ceux qui sont dans la chambre et qui nous accueillent (les absents sont de permanence ou en «opé») nous mettent tout de suite à l’aise en nous précisant qu’ici, il n’y a pas de bleus et pas d’anciens. On est tous là pour la même cause. La hiérarchie, elle est restée en France. Cela ne me surprend pas car j’avais déjà remarqué. Adieu tout le tralala militaire. Nous nous installons et prenons place sur les lits restés vides et nous faisons un petit rangement sommaire dans les placards fait avec des caisses à légumes ou à fruits qui nous sont affectés. Puis nous engageons la discussion et nous remarquons vite que nous avons eu la mauvaise idée de nous plaindre de la route. Et voilà que les anciens nous balancent alors au visage, «Vous avez encore rien vu, le plus beau reste à venir». Et sic… prend ça dans les narines. Mais force est de constater qu’ils avaient raison et que quelques jours après notre arrivée, nous raisonnions de la même façon. Ce soir là, nous ne nous mettrons pas à table. Fatigués par les péripéties du voyage, nous nous allongeons en ne pensant qu’à quelques minutes de repos mais le sommeil nous gagne et nous partons bien vite vers d’autres cieux. Le lendemain matin, je crois me souvenir que c’était le 19 septembre, l’Adjudant Chef responsable des transmissions vient nous chercher vers 10 heures, ici, pas d’affolement. Volontairement on nous avait laissé reposer. Ensemble nous sortons de la petite cour et nous nous retrouvons dans la rue principale, face à la belle Cave Coopérative.

Cave coopérative de Paul Robert

Si à ce moment précis, je vous montre la même image de la cave coopérative, c’est pour mieux vous parler de notre local. Regardez au premier plan sur la droite, on distingue les toits de deux bâtisses. Le premier, caché en partir par l’arbre est la couverture du local des phonistes et des graphistes. Le deuxième est le local des mécanos.

M Devant l'entrée de notre chambre  

Nous sommes ici dans la rue qui longe la façade de notre habitation. La cave coopérative, est sur la droite, invisible sur cette image. On distingue à gauche, en arrière plan, le local du Standard et sur le devant, le grand mur en pierres sèches (c’est comme je le précisais ci-dessus, la bâtisse des mécanos) et son entrée complètement à gauche, qui nous conduisait vers notre studio  cinq étoiles. 

La montée vers le PC - le bâtiment où je logeais

Voilà la vue de face de la bâtisse des mécanos. On voit sur la gauche le petit passage qui conduit vers les deux locaux. A droite, la montée vers la rue du 18° RA et du Poste de Commandement. Au centre, on distingue la tour des phonistes avec son drapeau bleu, blanc, rouge.  

Nous sortons donc de cette petite cour par le passage ouvert que vous voyez et nous prenons à gauche la montée vers le PC. Sur la première photo, le militaire qui avance est Daniel Langard, un ami retrouvé plus de 50 ans après. A l’angle de cette grande maison qui appartenait m’a-t-on dit à Kétroussi, nous tournons à gauche et nous remontons une rue au sommet de laquelle nous apercevons une grande maison avec une terrasse. C’est la maison Tourrenc qui est occupée par notre armée. (l’Adjudant nous l’explique plus tard) Elle fait angle avec la rue d’en haut où se trouve le PC du 1/18° RA.

M  monument aux morts PR Faisons abstraction du monument aux morts. Remarquez plutôt la rue pentue à l’angle de la grande façade blanche. Ici, l’Adjudant chef nous explique qu’il s’agit du PC c’est à dire le Poste de Commandement qui se trouve au premier étage. Et il ajoute pour être complet, «C’est aussi ici que se trouvent les transmissions».

Nous arrivons à ce bâtiment et nous longeons la façade jusqu’à l’entrée du PC.

 

M poste de commandement  Elle est représentée ici par cette photo.

Si la sentinelle en faction se reconnaît, stp, un petit signe.

Derrière l’Adjudant Chef, nous franchissons le portillon de l’entrée du PC, nous empruntons une petite allée parsemée de quelques plantes grasses et nous croisons au passage l’escalier qui donne accès au bureau du Commandant.

M Ferracci

C’est ici que mon ami Ferracci aimait prendre la pose. Admirez l’aisance.

Nous descendons ensuite la dizaine de marches d’un escalier pentu et nous voilà dans la cour du PC et des TRANS.

M  photo prise de la terrasse au dessus du PC 

Photo prise de la terrasse du PC. 

Ce n’est qu’une partie de cette grande cour. A gauche on aperçoit la rue du milieu.

L’Adjudant Chef nous présente les lieux. Au premier étage, le bureau du Commandant, comme je vous le précisais il y a quelques instants, les bureaux des secrétaires et de la cartographie. Au dessus, la terrasse sur laquelle se trouve le poste des radiophonistes. C’est par une échelle que nous pouvons y accéder.

Une vue du vignoble tout autour du village.

M l'échelle à la tour

 C’est par cette échelle que nous accédions à la tour des phonistes

M La tour des phonistes

Le poste des phonistes (la tour) que vous voyez ici domine le village, elle est placée sur la terrasse du PC. Nous l’avions baptisé, le poulailler. Nous y prenions nos permanences de jour comme de nuit et nous étions toujours exposés au tir de l’ennemi. D’ailleurs, pendant la nuit nous essuyions des tirs de FM.

L’Adjudant nous conduit vers la fin de la visite des locaux qui se trouvent dans la cour. Le bureau de l’Adjudant Chef des transmissions (son bureau), le poste des graphistes et le local des chiffreurs régulateurs.

M avec Rousseau au poste des graphistes

Voilà le poste des graphistes avec mon ami Rousseau Roger surnommé Jean-Jacques

M Gatty

Le local des Chiffreurs  Régulateurs avec au premier plan mon ami Gatti qui travaillait avec moi. 

Un petit signe de toi me comblerait, je te cherche depuis si longtemps.

Permettez-moi de compléter cette présentation par une petite explication nécessaire à ceux qui n’auraient pas connaissance des diverses fonctions aux différents services des transmissions. 

Le graphiste est celui qui est chargé de recevoir et d’envoyer les messages codés ou non en morse. On parle de l’alphabet morse ou de code morse (code télégraphique) du nom de son inventeur Samuel Morse 1791 – 1872. Le graphiste transmet un texte à l’aide de séries d’impulsions courtes et longues ce qui se traduit par un point ou un tiret. La connaissance de l’alphabet morse permet ensuite de décoder les messages.  Par exemple: A correspond à  • – un point, un tiret : B correspond à  - • • • un tiret, trois points. 

Le radiophoniste, on l’appelle plus couramment, le phoniste ou le radio (radiophoniste est un mot qui n’est pas dans le dictionnaire et qui ne se traduit pas)  il est chargé, comme le graphiste, de transmettre et de recevoir des messages. Lui n’a pas d’appareil pour envoyer des impulsions, il n’utilise que sa voix avec un simple micro branché à un poste. 

Le chiffreur-régulateur a un rôle un peu particulier en ce sens que son travail n’est connu que de lui seul. Sa fonction lui oblige le secret. Il code les messages de l’autorité avant de les remettre au graphiste qui va les envoyer à son destinataire. De même qu’il décode les messages que le graphiste vient de recevoir avant de les remettre à l’autorité compétente. Vous n’en saurez pas davantage.  Bon, maintenant, au travail. Nous montons sur la terrasse, à la  tour des phonistes.

M Au 1er paln, le support de la binoculaire - Au 2ème plan, l'échelle

 Au 1er plan, le support de la binoculaire –

Au 2ème plan, l’échelle, –

Au 3ème plan, la tour radio.

Je vous présente l’ancien, BOREL Hubert

M Borel   Il va nous donner notre première leçon. Nous apprenons que pour communiquer avec les Batteries qui dépendent du PC de Paul Robert, nous devrons prendre un pseudo. Borel nous explique comment réaliser cette petite exigence. Il faut tout simplement prendre trois lettres de notre nom. La première, celle du milieu et la dernière. Mon nom DUMAS, mes lettres DMS. Avec l’alphabet militaire cela donne DELTA – MIKE – SIERRA. Allo, ici Delta, Mike, Sierra, j’écoute. Mais c’est bien sûr, je n’avais pas encore compris, à vrai dire, je n’avais pas réfléchi à cela, c’est pourtant simple, facile, et efficace, il fallait y penser. Voyons, voyons…. Comment auriez-vous fait sans cela. Allô, ici Dumas et tout de suite l’ennemi vous reconnaît. Faut pas plaisanter tout de même, ici c’est l’armée, c’est la guerre, il faut rester incognito. A Montpellier, j’avais un numéro, ici j’ai trois lettres. C’est ainsi, à l’armée on change d’identité lorsque l’occasion se présente. Il est 13h30 lorsque nous sortons avec Borel de cette tour.

M la tour sur le côté

Ici, à l’angle de la tour des radiophonistes on aperçoit le clacson d’alarme. Ballandra vient d’arriver pour prendre le relais. C’est la fin de notre première leçon. Il n’y en aura pas d’autre. Les plus anciens nous apprendrons tous les petits rouages des divers systèmes dans la chambre lorsque nous serons tous réunis. Bientôt, nos noms prennent place sur le tableau de permanence avec ceux de nos copains radiophonistes. Nous ne sommes pas vraiment rassurés, ils nous mettent tout de suite à l’aise. Je me souviens de ce niçois, grand, brun, il s’appelle GELB Nicolas,

M gelb

Il devait avoir un an de plus que moi. Pour nous mettre en confiance il nous explique que nos gardes à la tour ne se feront que de jour pendant quelques semaines. C’est à la mi-octobre que nous avons commencé les gardes de nuit. Je me souviens de ma première. J’avais une trouille que je ne saurais décrire. Seul, enfermé dans ce poulailler, je ne voyais à travers la vitre qui me faisait face, que l’obscurité de la nuit. Je ne pouvais m’empêcher de penser à cette porte qui ne se verrouillait même pas. Le moindre bruit me faisait sursauter. Vers 3 heures, j’ai cru mourir de peur. Mes jambes en tremblent encore. J’entends un bruit venant de l’extérieur qui ressemble à un frottement. J’ai l’impression que quelqu’un cherche à ouvrir la porte. Je ne sais plus ce que je dois faire. Si j’appelle, je fais du bruit et je signale ma présence, il vaut mieux que j’attende. Je tends l’oreille, je n’entends plus rien, je décide d’attendre encore, je ne sais combien de temps je suis resté là dans cet état de peur. Mais il faut bien que je prenne une décision, allez, un peu de courage. J’ouvre doucement la porte, j’ai peur de prendre un coup de crosse sur la tête, je sors, j’avance sur la terrasse, j’en fais le tour, je donne un coup d’œil dans la cour, rien, absolument rien. Aurais-je rêvé ! Je referme la porte et reprends place à mon poste. Il me tarde de terminer cette horrible nuit. Lorsque je vois enfin poindre le jour, c’est la joie. Dans quelques minutes la relève va me remplacer. Ouf, quelle nuit. Quintena arrive, je n’ose pas lui dire ce que j’ai vécu à 3 heures du matin, d’ailleurs, personne ne saura, j’ai un peu honte de moi. Je lui passe les consignes et vite vite je regagne ma chambre. «Jamais de la vieeuuu on ne l’oubliera, la première nuit euuu qu’on a pris… ». Chanson de Georges Brassens, vous l’aviez compris, seules les paroles ont été un peu modifiées.  C’est bizarre, vous ne trouvez pas, maintenant que je ne suis plus là haut, je chante. Quel courage tu as mon Dédé, c’est la mamé Léa qui s’exprimerait comme cela si elle avait connaissance de mon aventure nocturne. Elle, au moins, elle le connaît bien son Dédé, elle sait bien qu’il n’en manque pas de courage.

M Mamé Léa   Elle pose pour moi avant mon départ pour l’Algérie

Après quelques heures d’un repos bien mérité, je vais prendre place sous la douche «plein soleil» et je m’empresse ensuite de donner quelques nouvelles à ma famille.

M bureau         M bureau 1

Voici mon bureau. Un tabouret pour s’asseoir, trois tabourets pour écrire.

Quoi de plus normal qu’après ce moment d’écriture j’aille vers le vaguemestre pour lui remettre mon courrier qui partira, «gratos», dès le lendemain matin vers ma famille et ma fiancée. 

M mon lit

Et voici mon lit. Fini les présentations de mon hôtel, maintenant, vous connaissez toute mon intimité.

Je vais donner mes lettres au vaguemestre et j’en profite pour faire un petit crochet vers la Poste et la Gendarmerie de Paul Robert, les copains m’ont dit que cela valait le détour. 

La Poste   M laposte

En effet, je la trouve très belle, majestueuse mais elle se marie assez mal avec l’architecture de certaines maisons du village.

Au retour, je passe par la rue où se trouve l’église (je ne connais pas encore le nom de cette rue).

L'église de Paul Robert

L'intérieur de l'église de Paul Robert  L’intérieur de l’église

Mon parcours dans les rues de ce village que je découvre petit à petit.

Rue principale de Paul Robert   M PR rue principale 1


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01_PR_00012  Survolons les toits de Paul Robert

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  Au premier plan, la boulangerie,

de l’autre côté de la rue le bâtiment du standard, et au loin, la Gendarmerie

 L'entrée de la Gendarmerie

M la gendarmerie 1

Deux vues de la gendarmerie. Comme elle est imposante là, placée sur la bute du village.

Je décide de rentrer, je visiterai le village plus tard. Avouez qu’avec les 24 mois qui me sont imposés et qui me restent à faire, je trouverai bien d’autres moments pour finir cette visite.

Après cette présentation sommaire des lieux, je rentre car je crois avoir compris avant de partir poster mes lettres que nous devions faire un petit entretien des lieux. Je ne veux pas que les copains puissent avoir une mauvaise opinion de moi. Lorsque j’arrive, ils sont déjà tous au travail, il ne manque que moi, j’ai bien fait d’abréger ma visite. 

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, les lits sont dehors, le responsable du balai arrose le sol et commence son dur labeur. Il appartient à Sieur Quintena de passer la serpillière, personne n’est autorisé à franchir la porte avant que le sol ne soit sec. Nous nous attardons sur les lits qui regorgent de poussière. Les matelas sont virés, tapés, secoués, on en prend plein la G……. Le pliage des couvertures et leur rangement au fond du lit est fait par chacun d’entre nous. Et voilà que nous avons le feu vert pour rentrer les lits. Nous terminons par un peu d’ordre à l’intérieur des placards, un coup d’éponge sur la table et il ne nous manque plus qu’à programmer l’entretien suivant. J’en profite pour mettre mon linge sale au lavage, je ferai ma corvée demain. Petit à petit et surtout lorsque je ne suis pas de garde à la tour, je fais plus intimement connaissance avec les copains de la chambre. Tous sont différents.  

Certains, comme Gelb Nicolas, (un bon copain que je vous ai déjà présenté) sont ouverts à la discussion et se dévoilent rapidement et avec beaucoup de facilité.

Tandis que d’autres comme Ballandra

M balandra sont plus réservés, plus timides, moins expansifs, moins expressifs.

Il faut apprendre à s’adapter à toutes ces situations et c’est ce que je vais devoir faire.

Je viens de retrouver Borel Hubert, (le responsable des radiophonistes que nous avons vu en premier), grâce à Pagnier André, un ch’ti.

Voilà le ch’ti dans toute sa splendeur  M Copain de borel

Il a bien voulu me donner ses coordonnées téléphoniques et le soir même j’entrais en contact avec lui. Il paraissait tout heureux de m’entendre et j’ai appris qu’il venait de fêter ses 76 ans. Veuf, agriculteur à la retraite, il aide encore sa fille qui a repris l’exploitation. Lui aussi reflétait le calme, la sérénité, c’était un garçon pondéré et sûrement un peu timide.

Frankon, le gone de Lyon. M Frankon

C’est aussi un gentil garçon toujours prêt à faire la fête. Il avait je crois, des allures de malfaiteur, de petit malfrat, genre garçon de la rue, gentil vaurien. J’exagère évidemment et j’espère qu’il ne m’en voudra pas s’il découvre cette lecture. Je n’essaye que de donner l’image qui vient à mes  souvenirs. 

M frankon 1 Alors, vous en pensez quoi ? N’ai-je pas un peu raison ?

Regardez cet air gredin, chenapan. Avec lui, la chance m’a encore souri. J’avais perdu son nom et voilà que Borel me l’a rappelé.

Rousseau, c’est le graphiste que je vous ai présenté à son poste.

M rousseau   Nous le surnommions Jean-Jacques, quoi de plus normal.

Il arrive parfois qu’on m’appelle Alexandre, quoi de plus normal. Pour la petite histoire, mon ami Rousseau était pour tous notre Jean-Jacques et nous ne savions l’appeler que comme cela, tant et si bien que cinquante cinq ans après, je ne connaissais plus son vrai prénom. Pour faire des recherches, la tâche se complique. Heureusement, j’ai retrouvé Borel, encore lui, qui m’a rappelé que mon Rousseau avait pour prénom Roger.

Rousseau, encore un calme mais un faux calme. Il pouvait s’énerver facilement. Gare à celui qui le cherchait. Malgré cela, il était d’une gentillesse extrême. Très bon vivant, il est devenu très vite mon ami. Dans le civil il avait plusieurs activités sportives mais il ne pouvait évidemment pas toutes les exercer ici. Alors avec son copain fourrier, il pratiquait la boxe. Je me suis investi dans ce sport et j’ai pu apprendre en quelques mois les rudiments. Le soir, nous mettions des couvertures aux fenêtres pour ne pas être vu de l’extérieur, des matelas au sol et nous chaussions les gants que Jean-Jacques mettait à notre disposition. Combien de bons moments nous avons passés là, dans ce magasin que je maudissais presque le jour de notre arrivée. N’allez surtout pas croire que l’on pouvait se faire du mal. C’était pour nous, détente et décompression. Jamais auparavant je n’aurais pu penser que ce sport pouvait me plaire. J’ai appris à esquiver, à me protéger, à donner des coups, à boxer tout simplement. Nous avions deux à trois entraînements par semaine et nous étions toujours très motivés au moment de mettre les gants sous l’œil bienveillant de Jean-Jacques.

M bonnet  Bonnet Raymond de Pernes les Fontaines (Vaucluse). Nous nous sommes revus car j’ai eu l’occasion d’aller chez lui à deux reprises mais il n’y a pas eu de suite.

M Hermentier Hermentier de Fabrègues (Hérault). J’ai retrouvé sa tante et son neveu dans son village natal et j’ai appris qu’il était décédé.

 M quintenas Quintenas de Nice (Alpes Maritimes). La seule photo que j’ai de lui a été prise à la caserne Lepic à Montpellier. Je n’ai jamais eu de ses nouvelles depuis notre libération. Je n’ai d’ailleurs que très peu de souvenirs de lui. Il aurait quitter Paul Robert après mon départ vers le Chiffre. 

Ferracci, Bonnet, Hermentier, Quintenas sont mes copains les plus anciens. Nous avons fait nos classes ensemble à Montpellier. Nous sommes les rescapés des transmissions de la caserne Lepic mais Ferracci, notre Corse que nous avions surnommé « papa » n’est pas encore arrivé, il est resté coincé à Marseille, nous saurons bientôt pourquoi.

Quant aux autres copains du 9ème RA, nous n’avons jamais su vers quelle région d’Algérie ils avaient été dirigé. Les reverrons-nous un jour ! J’ai retrouvé il n’y a pas très longtemps, mon ami Signoret Jean, il était graphiste. Nous sommes en photo à la caserne Lepic. Il habite Montfrin dans le département du Gard. Lorsque nous avons tous embarqués à Marseille, aucun de nous ne savait quelle serait sa destination. Nous avons été séparé à Alger et nous n’avons aucune nouvelles des copains avec lesquels nous avons effectué nos quatre premiers mois d’armée.

Je pense vous avoir présenté notre chambre au grand complet. Anciens et nouveaux se confondent dans cette liste mais une camaraderie certaine s’en dégage, c’est l’évidence même. Ballandra, Bonnet, Borel, Gelb, Hermantier, Frankon, Quintenas, Rousseau sont donc devenus mes compagnons de chambre mais pas seulement. 

J’ai évoqué nos petites distractions sportives mais je peux bien l’avouer, nos sorties les plus fréquentes nous conduisaient vers le foyer où nous nous retrouvions souvent devant une bière.

Quelques photos du foyer qui m’ont été transmises par mon ami Jean Mavet

M Mavet  Il pose devant l’entrée du PC.

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M foyer

Deux vue de l’ensemble de la grande salle du foyer.

M foyer 1  

De gauche à droite : Jean Claude Detand, Jean Mavet, le grand avec les moustaches, Jacky Monnier et Pierre Martre.

M Foyer 2

De gauche à droite : De Talencier, Anquez, Tissot, Pierre Martre.

M les copains  Si j’ajoute cette nouvelle photo, c’est pour évoquer une nouvelle fois Claude Tissot que l’on reconnaît accroupis, à droite. Il figure sur cette photo des “Gars du Midi”. Et la bonne nouvelle… je viens de le retrouver. Il réside à L’Isle sur la Sorgue dans le département du Vaucluse. Lorsque je lui ai téléphoné et qu’il m’a reconnu, je l’ai entendu s’exclamer : «C’est toi Dédé, au coquin de sort, je le crois pas, Tè, (expression de chez lui) j’ai les poils qui se hérissent». C’est ça l’amitié. Depuis, nous nous sommes rencontrés, nous avons passés chez lui un moment très agréable en compagnie de Madame Tissot et nous nous sommes promis de nous revoir. Au foyer, nous y restions jusqu’à la fermeture et nous y revenions parfois dès la réouverture. Mais n’allez surtout pas croire que nous étions devenus pour autant des piliers de comptoir. C’était pour nous, l’occasion de retrouver d’autres copains que ceux que nous côtoyions habituellement aux trans ou au PC.  

Quelques uns, peu nombreux faisaient du volley et du foot avec les civils du village.

M Volley  

Voici l’équipe au grand complet lors d’une rencontre contre les civils de Rabelais qui portent  un maillot en V. 

Debout, de gauche à droite : Philippe VALLÉE – SANSONNETTI Pepito – PERBOST René – DEVOT Serge, tous des militaires. 

Accroupis de gauche à droite : Jacques MAS instituteur à Aïn Serdoun en 1959 et résidant à Rabelais – SAINT-JEVIN Alain un civil – DEHIER René militaire, il tient le ballon – derrière, on ne voit que la tête, BITCH Raymond un civil – derrière la coupe JEANJEAN Maurice militaire – WOLF Gérard militaire – DEDEBANT Jacky civil - Avec le béret MARRAZI patron du bar à Rabelais – Abbé JOVER Jean-Marie assassiné à Orléansville le 5 juillet 1985.

Le site de l’abbé Jean-Marie JOVER : http://orleansville.free.fr/04%20histoire/histoire%20jover.htm

Copie de Maurice Photo foot Jacky 1

Pour cette photo, je n’ai que le nom des trois civils – Debout de gauche à droite : ? – ? – DEDEBANT Jacky - OLIVIER Alain aujourd’hui décédé - LAUPRÈTRE Paul – . Si vous vous reconnaissez, faite-moi vite un petit signe.

Foot Maurice

Sur celle-ci j’ai plus de renseignements – L’équipe de foot est composée de civils et de militaires du 18° RA.

Debout : AUCOMPTE Gaby mains aux hanches militaire – GUILLON militaire – SENTENAC civil – PRICART militaire – DEVOT Serge – CORTÈS le supporter de la valeureuse équipe – AVESQUE Alain militaire.

Accroupis : LAUPRÈTRE civil – LEBRUN militaire – SANSONNETTI Pepito – JEANJEAN Maurice – OLIVIER Alain civil Capitaine – LE TALLEC civil entraîneur.

Au moment des fêtes de Pâques, (Il s’agit de Pâques 1960) les COMPAGNONS du 18° RA réalisaient des spectacles avec les habitants de Paul Robert. 

Maurice Photo 3

Sur cette photo, je reconnais le guitariste, WOLF Gérard – puis de gauche à droite : PAYEN – JEANJEAN Maurice – VALLÈE Philippe. 

Maurice Photo 4

Et sur celle-ci, de gauche à droite : JEANJEAN Maurice – NIDOULIEZ un civil – VALLÉE Philippe – WOLF Gérard et sa guitare – AVESQUE Alain – AUCOMPTE Gaby – Un seul civil Nidouliez.

A Noël, au Nouvel An, nous organisions des soirées théâtrales auxquelles participaient les «filles» de Paul Robert. C’est comme cela que nous les appelions car beaucoup d’entre nous ne connaissaient pas leur nom. Je vous présente ici quelques photos souvenirs de ces soirées de fête mais ne dit-on pas «Une fois n’est pas coutume» que l’on pourrait traduire par «Changer ses habitudes exceptionnellement, ne change pas le destin d’un individu».

M Théatre  Et voilà SERGENT, le ch’ti dans ses œuvres.

Sa baguette magique a fait réapparaître le chien

 M théatre 1  M théatre 2

Sur ces deux photos, mon ami Jean-Baptiste Boutte tout de noir vêtu.

  m Théatre 3

Il est encore là, à droite, coiffé d’un bonnet blanc.

 M théatre 4

 Le petit homme debout, c’est moi. Je suis en compagnie de Dehier René le secrétaire des TRANS .

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Dehier René on le distingue mieux sur cette photo de l’équipe de volley, le revoici avec le ballon. Si tu te reconnais…  Allo !!!

M théatre 6  

Pour les deux photos qui suivent, j’ai eu la chance de faire la connaissance de Monsieur Jacques Torrès. Je vous conseille d’aller voir son site, il est très enrichissant – http://orleanville.free.fr. C’est grâce à lui et à l’aide de son ami Marcel que j’ai pu retrouver les noms des filles de Paul Robert.

Sur la photo ci-dessus, de gauche à droite, les filles : CORTÈS Huguette, HERMAND Paulette, le militaire, POISSON Annie, CORTÈS Yolande. Je cherche en vain le nom des soldats du contingent. Je lance un appel à tous ceux qui pourraient me venir en aide. De gauche à droite : ? – ? – CRÉPÉ, le chef de garage, MICHON et SERGENT.

Sur la photo ci-dessous, de gauche à droite, les filles : CORTÈS Huguette, BROCHE Marguerite, HERMAND Paulette, POISSON Annie, CORTÈS Yolande, GALICE Pierrette, BROCHE Monique, AIGROT Marie-France.

Les soldats, de gauche à droite : ? – ? – MICHON – Le gars à lunettes (seule information, il était aux trans) – ? – SERGENT – ? – JB BOUTTE, (mon petit frère) de Béthune dans le Pas de Calais. 

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 M théatre 5

Les familles de Paul Robert participaient abondamment aux festivités et faisaient même participer leurs enfants.

Sur cette photo, la nièce de Madame OLIVIER.

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Comme vous pouvez le voir, les soirs de fête, la salle était comble.

Si vous lisez ces pages, si vous vous reconnaissez dans cette présentation, si vous avez été oublié, alors, prenez vite, très vite, un petit, un tout petit contact avec moi, vous me ferez le plus grand plaisir.

Capitaine Vigouroux

« Ouvrir le Bal » A l’époque, la tradition voulait que ce soient les invités d’honneur qui entament la première danse, avant que les autres participants ne se joignent à eux. Ce soir, c’est le Capitaine Vigouroux au centre de la photo qui a ouvert le bal. 

Hormis cela, je ne peux qu’évoquer le train train quotidien. Les permanences à la tour de jour comme de nuit, les sorties avec les commandos, les ravitaillements, les moments de repos, de détente et aussi les corvées que l’on s’imposait.

M lessive La lessive, une fois par semaine.

M cuisine   

La cuisine, lorsque l’ordinaire ne nous convenait pas, c’était assez souvent le cas.

Au menu, des frites avec les œufs frais de mémé Poisson.

Tiens, tiens, mémé Poisson… et si je vous présentais cette gentille dame. Non, je ne l’ai pas oublié, je ne l’oublierais jamais.

Madame Poisson  Mamé Poisson1  nous l’appelions « Mémé Poisson », elle habitait juste à côté de l’entrée du PC. Elle venait souvent vers nous avec les œufs frais qu’elle avait ramassés dans sa petite basse-cour.

La sentinelle en poste devant l’entrée du PC ne l’a jamais arrêtée…Ah…Ah…Bizarre ! Avait-elle un sauf-conduit ! Ses passages chez nous étaient brefs, elle ne restait jamais longtemps, elle nous remettait son offrande et disparaissait sans mot dire, nous la regardions partir, elle s’éloignait comme elle était venue, à pas de velours. De suite après, nous allions à l’épicerie Martin pour acheter des pommes de terre pour faire nos frites en forme d’allumettes (c’était ma spécialité) que nous dégustions avec les bons œufs de Mémé Poisson. Chez Loulou, c’était Huguette qui nous servait. Que de bons souvenirs qu’il est agréable d’évoquer, il y en a eu si peu !

Mémé Poisson était la grand-mère d’Annie Poisson.   M Annie Poisson

C’est avec un immense plaisir que je porte à votre connaissance le message d’Annie qui a si gentiment répondu à la demande que je venais de lui adresser. Les quelques mots d’amitié qu’elle m’envoie m’ont particulièrement touché et je suis heureux de les partager avec vous. 

<<J’accours avec un peu de retard, pardonnez-moi, pour vous aider à compléter votre blog. Quel courage d’en réaliser un second !

Votre attention pour ma grand-mère m’a beaucoup touchée. C’était une grande âme et une grande dame. A ses yeux, chaque jeune militaire qui l’abordait, incarnait un petit fils.

Peut-être revoyait-elle la fille qu’elle avait perdue à vingt-cinq ans ?  

Son chagrin fut immense ! Cependant jamais aigrie ou déçue du genre humain. Elle était particulièrement sensible à la situation de tous ces  «jeunes» loin de leur famille. C’était une femme intelligente. Elle avait quitté l’école à 11 ans mais elle lisait autant qu’elle le pouvait et me récitait, entre autres, «La mort du loup» d’Alfred de Vigny.

J’étais émerveillée par son insatiable curiosité du monde. Nous étions très proches et je me souviens qu’à mes 17 ans, cette personne exceptionnelle m’avait transmis de précieux conseils : dans la vie on doit développer trois qualités : la patience, la compréhension et l’indulgence. Je peux affirmer, pour les avoir vue bien installées sur son buffet, toutes les cartes affectueuses qu’elle avait reçues des jeunes militaires rentrés en métropole. Elle ne laissait aucun(e) indifférent(e), de part sa personnalité qui irradiait la bonté au travers d’un doux sourire.

André, je n’ai jamais autant écrit sur ma grand-mère. Prenez ce qui vous semblera utile et je reste à votre disposition pour d’autres informations.

Je me réjouis de vous revoir à Pentecôte et faire connaissance avec votre petite Léa. 

J’espère que nous aurons l’occasion de bavarder plus longuement.

A bientôt donc ! Avec ma sincère amitié.>>

Merci Annie, de cette missive, je garde tout.

Mémé Poisson nous était chère, tant par son amitié que par sa gentillesse. Elle connaissait bien les soldats basés aux transmissions. Nous occupions un poste que nous ne devions pas quitter alors que nos amis des bureaux du premier étage, allaient au Mess avec le Commandant Picaud. Commandant Picaud au Mess des officiers

Pour sortir du quotidien, il y avait aussi les départs en « opé » dont j’ai décidé de ne pas parler. Tous les phonistes participaient, le poste SCR 300 sur les épaules. Notre rôle, garder le contact avec la tour de contrôle du PC, (avec Pendart) recevoir et transmettre les messages pour l’autorité qui avait la responsabilité de la mission. C’était rarement des balades de santé. Nous partions à la nuit tombée et il nous arrivait de crapahuter durant des heures dans ce djebel si imprévisible. Je me souviens que bien souvent nous ne retrouvions notre lit qu’au petit matin. Tous les copains dormaient depuis bien longtemps lorsque je pouvais enfin me mettre à l’horizontale. PENDART est l’indicatif, autrement dit, le nom de code de la tour RADIO de PAUL ROBERT. Lorsque nous disions : «Ici PENDART, ou PENDART j’écoute, se traduisait part, ICI LA TOUR DE CONTRÔLE DE PAUL ROBERT ou LA TOUR DE PAUL ROBERT J’ÉCOUTE». 

Les « opé » avec le commando c’est le cauchemar de tous. C’est toujours au dernier moment que l’on connaît l’heure de départ. Ce que nous ne savions jamais, c’était l’heure de retour, sans compter que nous pouvions passer la nuit à courir après l’ennemi et ne revenir que le lendemain si la chasse ne se passait pas dans de bonnes conditions. Je me souviens toujours des consignes que m’avait données ma fiancée avant mon départ. «Ne m’écris jamais ce que tu dois faire, dis moi seulement ce que tu as fait» Ce sont les embuscades que nous appréhendions le plus. La surprise est quelque chose de très impressionnant, stupéfiant. Nous avions à faire à des hommes qui connaissaient parfaitement le terrain. Pas un pouce de ce djebel ne leur était inconnu. Si vous pouvez voir le film “L’ennemi intime” vous aurez une petite idée de ce que certains d’entre-nous ont vécu. 

Une « opé » que j’ai en mémoire et que je ne pourrais malheureusement jamais oublier : Je devais être le radio de service mais ce jour là j’étais malade et un copain phoniste a dû prendre ma place. Jusque là, rien de bien anormal mais je ne dirais pas pour autant que cela faisait partie des choses courantes. Cependant lorsque le remplacement s’imposait aucun de nous ne rechignait à la tâche. 

Le matin, alors que nous dormions encore, un bruit sourd nous réveilla soudain. Au sol, notre ami venait de s’écrouler après avoir ouvert la porte avec difficulté. Il était épuisé, sans réaction. Nous l’avons allongé sur son lit et nous avons commencé à le dévêtir. Je lui ai ôté son ceinturon sur lequel était accroché son bidon. Quelle ne fut pas ma stupeur, mon étonnement en constatant qu’il était percé d’une balle. Nous l’avons fait boire et il s’est aussitôt endormi. Il était épuisé, comme éteint. Difficile de constater un tel abattement.

Personne dans la chambre n’osait dire mot. C’est sûr, nous ressentions tous la même émotion et la même haine. Je ne sais ce que pensaient mes copains à propos de ma découverte, mais je m’en voulais énormément d’avoir laissé ma place à cet ami qui aurait pu perdre la vie. Et que se serait-il passé si j’étais parti dans cette mission. Ils ne sont pas nombreux les centimètres qui séparent le bidon de la peau de celui qui le porte…..  

Je n’ai pas de souvenirs, ou trop peu, sur les circonstances exactes de ce qui s’est réellement passé. Je ne me souviens que d’infimes détails qui ne peuvent rien donner de précis quant à une éventuelle description de cet événement mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agissait bien d’une embuscade dans laquelle était tombé le commando en mission du côté du poste Faivre. Ballandra qui avait pris ma place est le garçon timide, réservé, peu bavard dont je vous ai déjà parlé. Le lendemain, nous étions tous autour de lui pour obtenir quelques infos mais nous avons bien vite compris qu’il était encore sous le choc et nous n’avons pas cherché à approfondir davantage. D’ailleurs, nous étions comme lui, marqués par ce qui venait de se passer mais notre surprise fut encore plus grande lorsque nous avons compris que notre ami ne s’était aperçu de rien quant à son bidon percé. C’est Rousseau qui connaissait bien le fourrier qui est allé le changer et Ballandra ne l’a jamais su. Nous avons pensé que cela était préférable pour lui.  Malheureusement beaucoup ne sont jamais rentrés….. (j’ouvre ici une parenthèse)

M’étant inscrit sur le site des «ANCIENS D’ALGÉRIE» pour lancer un avis de recherche afin de retrouver la famille et les amis de Le Clanche à qui je dédie ce blog, j’ai reçu un jour, un mail de Vendée. Il s’agissait d’une Dame qui, désolée de ne pouvoir répondre à ma demande, me sollicitait au sujet de son père qui était en mission au 1/18° RA en 1959 à Paul Robert. Elle recherchait des informations sur le décès de son papa, le Maréchal des Logis Chef, Paul Bognon. Sans rentrer dans le détail mais pour que l’on comprenne bien que lors d’une “Opé” tout est imprévisible : Paul Bognon prenait chaque soir contact avec le terrain et toujours à vue du poste dit “Aïn Serdoun” situé à proximité de Rabelais.

  M Rabelais Photo de Jean René avec son autorisation.

Un soir, il aperçut à la jumelle un petit groupe de fuyards. Sans hésiter, il se lance à leur poursuite, il n’est jamais revenu (cf explications données à l’époque, sans plus de détail). C’était le 4 avril 1959. Porté disparu, il n’a été retrouvé que 4 jours après (information apportée par le Ministère des Armées). Des individus (dixit le Commandant, Chef d’Escadron du 1/18° RA) arrêtés le lendemain de l’embuscade par les militaires basés au poste d’Aîn Serdoun, ont indiqué l’endroit où se trouvait sa tombe.

C’est dire si, sur le terrain, notre vie ne tenait qu’à un mince fil…

Depuis ce jour, nous correspondons régulièrement avec sa fille Jacqueline et échangeons souvent des documents.

Si vous étiez à Paul Robert au moment des faits, si vous avez entendu parler de cette mission, si vous avez eu des informations sur cette embuscade et la mort tragique de Paul Bognon, contactez-moi, je donnerais à sa fille les renseignements que vous me fournirez.

C’est en 2009 que j’ai commencé à écrire ce blog et c’est aussi depuis cette époque que Jacqueline et moi cherchons chacun de notre côté à découvrir la vérité. A tous les militaires que j’ai eu la chance de retrouver plus de cinquante ans après, je posais toujours les mêmes questions. «Étais-tu à Paul Robert au mois d’avril 1959 ?» Si la réponse était affirmative, je poursuivais mon questionnement. «As-tu connu le Chef Paul Bognon, as-tu entendu parler de l’embuscade qui lui a été tendue lors d’une mission» et chemin faisant, j’obtenais quelques renseignements, je glanais par-ci, par-là quelques informations supplémentaires mais je comprenais aussi qu’il y avait de la part de certains, beaucoup de retenu quant à dévoiler ce qu’ils savaient sur cette embuscade.

Nous sommes le 4 avril 2016, nous venons enfin de découvrir la vérité sur ce qui s’est réellement passé ce jour là. Est-ce une coïncidence, c’est à la même date il y a 57 ans que Paul Bognon tombait dans cette embuscade mortelle. La chance nous a enfin souri, la lumière est faite sur ce drame qui a coûté la vie au Chef Paul Bognon. Merci à cet ami qui a su mettre fin à cet omertà.

Malgré ces faits éprouvants, regrettables, il y avait aussi d’émouvantes retrouvailles.

Tiens, parlons de celle-ci. Savez-vous qu’il est enfin arrivé, le “papa” Corse. Oui, oui, oui, ce n’est pas une blague. Il est arrivé avec un mois de retard. Mais pour lui tout était en règle. Il avait seulement était retenu à Marseille. Cherchez l’erreur ! 

M ferracci Regardez comme il est fatigué, épuisé, atterré, complètement abattu. 

  M ferracci 1 Toutes ces heures à voyager l’ont anéanti.

Voilà que je commence à mieux comprendre ce grand retard. Comme quoi, tout s’explique. Nous avons voyagé en train, en bateau puis avec les camions militaires alors que notre “papa” Corse n’a eu que son âne pour nous rejoindre à Paul Robert.

 M ferracci 2  Pauvre “papa”, nous allons prendre bien soin de toi.

Allez, trêve de plaisanterie, je vous présente mon ami Ferracci Étienne. Nous étions ensemble au 9 ème RA à Montpellier. Aujourd’hui corse d’Ajaccio mais corse de Berre l’Étang dans les Bouches du Rhône en 1959. Au moment où je faisais le mur à Sainte Marthe pour aller voir mes parents et ma fiancée à Nîmes une dernière fois avant mon départ pour l’Algérie, lui, le corse, allait voir son piston (du verbe pistonner) qui lui permettait de retarder son départ. Voilà, j’espère que vous avez maintenant tout compris sauf, qu’il était papa, notre “papa”.

Ah ! Au fait, mais pourquoi Étienne était-il notre “papa”…

Il fallait être à la caserne Lepic pour savoir. M ferracci 3 Regardez-le avec attention, découvrez-le, vous allez percevoir son air sérieux, raisonnable, calme, posé, on aurait pu aussi l’appeler “le sage” mais nous avons préféré “papa”. Toutes les qualités qu’il dégageait lui valurent très vite la confiance des gradés qui le nommèrent rapidement brigadier responsable des graphistes.

Il avait et il a toujours d’ailleurs, 5 ans de plus que nous. Il était beaucoup plus mature, cela se voyait au premier coup d’œil. Marié et papa d’un petit garçon, il endossait ici une responsabilité supplémentaire. Qui pourrait alors lui en vouloir d’avoir fait un petit séjour à Marseille via Berre l’Étang avant de nous rejoindre. D’ailleurs, contrairement à la réputation qui est faite aux corses, Étienne donnait toujours l’exemple quant au travail que nous devions accomplir.

C’était pour nous tous, le bon père de famille, l’homme à qui on pouvait se confier, celui à qui on pouvait tout dire, celui qui savait écouter. C’était l’exemple à suivre. Mais à côté de tout cela, il pouvait être aussi le bon vivant qui savait mettre

de l’ambiance aux petites festivités qui nous étaient parfois accordées. M copains 

Regardez comme il exprime sa joie malgré les difficultés qu’il rencontre au quotidien à vivre loin des siens. Aidez-moi à retrouver leurs noms. De gauche à droite : ? – ? – Ferracci, Borel (on voit à peine sa tête), Raynaud.

M quille Ici, de gauche à droite : Delgehière, Dumas, Ferracci, Bonnet, Manson.

M copains 1  Là, en tenue de sortie avec ses copains :

De gauche à droite Ferracci, Dumas, au dessus  ?, et à côté Le Clanche Joseph.

M trans  

Les copains des Transmissions dans la cour du PC.

De gauche à droite : Gévaert, Bonnet,  ? , Delgehière,  Ferracci - Assis : Gatti – Accroupis : Dumas et  ?.

M trans1  Regardez l’air coquin d’Étienne.

A gauche Gelb Nicolas – Dumas et Ferracci, au dessus Paradis Guy.

M trans 2 Ici, nous sommes devant l’entrée du PC.

De gauche à droite : Borel responsable des phonistes, Dehier René le secrétaire des trans, ensuite Dumas et Ferracci.

N’est-ce pas là une belle présentation de mon ami Étienne !

J’ai gardé le meilleur pour la fin. S’il est vrai qu’il est arrivé à Paul Robert un mois après nous, il n’en est pas moins vrai qu’il est aussi parti avant nous. Sa situation familiale lui valait bien cette petite faveur. Il était marié et attendait la naissance de son premier enfant.

Cet ami que je viens de vous présenter, ô surprise, je viens de le retrouver 50 ans après.

Quelle joie !

Je le recherchais depuis longtemps mais je ne pouvais pas obtenir de renseignements par l’annuaire électronique et pour cause, je le croyais à Berre l’Étang ou dans les environs, il était en Corse.

Lorsque sur mon clavier, j’ai tapé Ferracci Étienne dans ce département, deux noms similaires sont apparus. Le premier à Cortés. J’ai aussitôt appelé et c’est un homme de 94 ans qui m’a répondu. Évidemment, je ne le savais pas mais j’ai tout compris quand il m’a dit qu’il avait “fait” l’Algérie en 1940. Pour lui être agréable car je savais qu’il avait envie de parler de sa carrière militaire, je l’ai écouté quelques minutes et puis très vite j’ai téléphoné au deuxième Ferracci Étienne.

Mon cœur battait la chamade. J’entendais la sonnerie. Est-ce que quelqu’un allait décrocher ! Et qui ! J’avais préparé mon discourt pour lui mais si une autre personne prenait l’appareil… là… j’allais être pris au dépourvu. Chut ! Je comprends que l’on décroche.

«Allô, je suis bien chez Monsieur Ferracci» ?

«Oui, qui est à l’appareil» ?

«Allô, il s’agit bien de Monsieur Ferracci Étienne» ? ma voix était tremblante, j’avais peur que l’on raccroche.

«Oui, qui me demande» ? avec cet accent si particulier que nos amis corses affectionnent.

«Excusez-moi Monsieur, je veux juste vous poser une petite question. Je suis un ancien d’Algérie et je recherche un ami qui s’appelait comme vous. Avez-vous fait l’Algérie» ?

«Oui».

Là, j’ai compris que quelque chose allait se passer. J’avais l’impression qu’à l’autre bout du fil, l’homme que j’entendais, commençait à comprendre qu’il s’agissait de lui, il était à l’affût et attendait mes questions.

«Monsieur, étiez-vous dans l’Orléansvillois et plus exactement à Paul Robert en 1959» ?

«Oui».

«C’est pas possible, c’est bien toi Étienne, dis-moi que je ne rêve pas. 50 ans après, je te retrouve enfin. Tu ne peux même pas imaginer depuis combien de temps je te cherche. Oh papa, dis, tu te souviens» ?

Le plaisir que nous éprouvons tous les deux est intense, inimaginable. Et nous y allons de nos souvenirs. Tu te souviens de ça….. tu te rappelles ça…… et Untel……et Untel…… Mais que deviens-tu ? Que fais-tu en Corse, je te cherche à Berre et autour de Marseille.

Et nous entrons tous deux dans des explications qui n’en finissent pas mais quel bonheur ces retrouvailles, nous ne voyons plus passer le temps. Il m’apprend qu’il a perdu sa femme, qu’il vit seul et que tout près de chez lui, réside sa fille, deuxième naissance chez les Ferracci. Le bébé qu’il allait retrouver à Berre l’Étang dans le ventre de sa maman est né le 15 décembre 1959. Que de souvenirs ! Et maintenant j’ai mon hôtel couvert d’une multitude d’étoiles à Ajaccio.  

Il était tellement heureux qu’il est allé tout raconter à sa fille qui m’a téléphoné. Vous ne vous rendez sans doute pas compte de l’ampleur de la chose. J’ai eu la fille de «papa» au téléphone. Comme elle est gentille, comme elle parle bien de son papa. J’entendais à proximité une petite voix, c’était celle de la petite fille de «papa». Elle est devenue notre informaticienne. C’est notre vaguemestre du 21 ème siècle. Je suis vraiment rentré dans la famille. Ils m’ont ouvert toutes les portes. C’est ça, l’âme Corse. Nous avons échangé des photos de Paul Robert et nous nous sommes encore téléphoné. C’est sûr que nous n’allons pas couper ce lien si précieux. 

Je sors de mes pensées pour retrouver la réalité. Je reviens à Paul Robert. Je viens d’apprendre que je pars demain matin très tôt à Orléansville. Je suis le radio de service. Le Commandant Picaud participe au convoi, je prends place dans sa Jeep derrière lui avec mon poste que j’ai réglé la veille pour ne pas être en retard. Nous sommes en deuxième position, juste derrière la voiture de déminage. Ces convois sont beaucoup plus cool. Il y a moins de stress, moins de tension mais le risque subsiste et nous devons toujours nous méfier de tout mais Orléansville a pour nous une odeur de «perme». Ici, c’est la grande ville avec ses rues, ses avenues, ses boulevards, ses grands magasins, ses cinémas, ses restaurants, ses bars, ses brasseries avec ses grandes terrasses, je navigue dans un autre monde. Vous rendez-vous compte que nous ne sommes qu’à 60 kilomètres de notre petit coin perdu et c’est déjà le paradis. Quelques photos de cette ville. 

   M vue aérienne  Vue aérienne  M place PR  Place Paul Robert

M gare   Le Quai de la Gare

M gare 1 

Vue extérieure de la Gare. Au premier plan, le haricot, c’est ici que nous passions le permis de conduire.

M la rotonde La Rotonde M la-prefecture La Préfecture

M la-mairie La Mairie M la-poste La Poste en 1961

L'église L’église 

La Gendarmerie et l'église  La Gendarmerie et l’église

Hôtel des Finances Hôtel des Finances 

Vous trouverez toutes ces photos et bien d’autres encore sur mon album photos des villes et villages.

J‘ai l’impression qu’il y a des années que je n’avais vu tout cela. Je n’ai pas assez de mes deux yeux pour tout voir. Je ne peux pas imaginer qu’ici il y a du danger, qu’ici c’est aussi la guerre. À Orléansville tout bouge, la vie existe sans aucune appréhension.

Les gens ici ne peuvent pas savoir ce qu’est la vie à Paul Robert. 

J’ai tellement apprécié ce dépaysement que je me suis porté volontaire à plusieurs reprises. Un jour, j’ai appris que l’on pouvait obtenir tous les permis de conduire pour pas cher. Je me suis inscrit et une fois par semaine j’allais prendre des leçons pour acquérir les permis, moto 125, 250, 500, 1000 et plus, poids lourd, super lourd, remorque, semi-remorque et transport en commun. Nous prenions nos leçons sur la place de la gare et le jour de l’examen il fallait faire le tour du haricot. Photo ci-dessus.

Le forfait pour l’ensemble faisait penser à une bonne affaire. J’ai tout réussi au premier coup. Il est vrai que rien n’était difficile mais il est vrai aussi que l’inspecteur nous pistonnait un peu. À mon retour en France, je suis allé à la Préfecture de mon département pour demander la régularisation.  J’évoquais il y a quelques instants, le déminage en tête du convoi. Je me souviens de ce jour où la Jeep du Commandant Picaud s’est soulevée dans un fracas énorme ce qui a valu au conducteur d’être éjecté du véhicule. A l’arrière, le Commandant Picaud et moi avons fait un bon et avons failli retomber l’un sur l’autre. C’est le Lieutenant ou le S/L (j’avoue que je ne me souviens plus très bien) qui se trouvait à côté du conducteur qui a eu le bon réflexe. Il a pris le volant et a redressé les roues de la jeep évitant ainsi qu’elle ne parte dans le ravin. Le conducteur s’est relevé, traumatisé ne sachant pas très bien ce qui venait de lui arriver tellement les choses se sont passées rapidement mais il n’avait que quelques contusions pas très importantes. Heureusement, plus de peur que de mal. Au passage de la Jeep, la roue avant gauche avait déclenché une mine que la poêle à frire n’avait pas détectée. Je m’abstiendrais d’évoquer la colère du Commandant Picaud Picaud contre le démineur. On a dû remorquer la Jeep accidentée et ainsi nous avons poursuivi notre route avec un retard tout de même important. Ouf ! A Orléansville, nous avons tapé à la porte du garage des «Trains» qui a effectué la réparation pour le retour. Ce jour là, nous sommes arrivés à Paul Robert en fin d’après midi.

Je raconte par courrier cet incident à mon ami Jacques qui est libéré depuis quelques mois. Je vous donne connaissance de sa réponse. 

Ce que j’ai vécu le 31 octobre 1958 ressemble étrangement à l’incident que tu me racontes dans ta lettre. Pour nous, les choses étaient beaucoup plus graves. J’accompagnais un convoi vers Paul Robert, je ne me souviens plus de l’heure mais je n’ai pas oublié l’essentiel de cette journée, j’étais un des principaux acteur et témoin autour de ce drame. A la sortie d’Aïn Serdoun nous rencontrons le convoi de la B.C.A.S arrêté. (Le convoi de la BCAS, c’est le convoi qui venait de Paul Robert et qui se rendait à Orléansville). Nous allions nous croiser. Une mine venait d’être détectée par le démineur du convoi de Paul Robert. J’étais avec le Lieutenant Paul Velter, ce dernier de par son grade à pris le commandement du déminage. Il me charge de dégager la mine. Très vite je constate qu’elle était piégée. J’arrête et lui dit que au vu du danger que cela représente, il serait préférable de lancer une grenade dessus plutôt que de prendre le risque de la récupérer. Il me répond « Montez sur la hauteur et surveillez ». Il demande au chauffeur (j’ignore son nom) de la jeep venant de Paul Robert de venir l’aider. D’un bon, je franchis le fossé en direction du sommet qu’il venait de m’indiquer et en une fraction de seconde une énorme explosion fait que je me retourne, pour voir deux corps projetés par dessus la ligne téléphonique dans le champ en contrebas. Nous constatons que deux masses méconnaissables venaient d’y tomber. Demande de renforts par le radio et constatation de l’état des lieux. Un obus de 105 y avait été piégé (j’avais donc vu juste) et était la cause de ce drame. Nous faisons retour vers Rabelais. Quelques hommes restent sur place en surveillance.  En début d’après midi un groupe de soldats retourne sur les lieux pour récupérer les corps. J’ajoute même un autre détail, l’adjudant qui nous commandait a demandé de respecter une minute de silence en arrivant sur place. Nous avons été choqués qu’il ne parle que du Lieutenant, oubliant le chauffeur décédé dans les mêmes circonstances, l’émotion certainement ! Je peux t’assurer que tous les soldats présents tremblaient encore de peur mais respectaient les décédés et qu’ils étaient volontaires pour aller le lendemain à ORLEANVILLE à la levée des corps. Seulement une délégation a été retenue.

Je connaissais bien ce lieutenant récemment arrivé à Rabelais. Peu de temps avant, je l’avais accompagné au méchoui qui avait été préparé pour nous (les soldats de la 1ère batterie) à la salle des fêtes de Rabelais. En plus, la semaine précédente je lui avais coupé les cheveux. J’en parlerai plus tard, mais j’étais le coiffeur de la batterie. Mon métier civil était agriculteur !!! Si tu as le nom du chauffeur de la jeep cela peut être un élément à apporter à ce drame.

Ce dernier est décédé dans les circonstances horribles que je t’indiquais ci-dessus. Voilà, cher ami, tu vois par ce récit que les convois étaient tous différents. 

Permettez-moi de revenir encore quelques instants sur les convois d’Orléansville. J’ai eu la chance de découvrir par l’intermédiaire des Copains d’Avant, Claude Barthet. La préface que vous avez peut-être lue a été écrite par lui.

Claude Barthet au 725 Bel Abès 

Ici à Bel Abès poste 725. Regardez comme il est beau !

 Claude Barthet  au 725 avec les habitants de la mechta Là, dans la Mechta avec les habitants qui l’avaient invité à prendre le thé.

Il est plus jeune que moi mais malgré cette différence d’âge nous avons été au 18ème RA ensemble même si ça n’a été que très peu de temps. Ensemble oui, mais séparément quand même. J’étais vous le savez au Chiffre à Paul Robert, lui était à Bel Abès au poste 725.  

Bel Abes Poste 725 Claude parle plus loin de la chance que nous avons d’être à basé Paul Robert. A la vue de ce Poste dans cette région désertique, je pense qu’il a raison. Je ne changerais pas volontairement d’affectation.

Il m’est souvent arrivé d’évoquer nos sorties toutes différentes vers Orléansville. Mon ami Claude qui consulte régulièrement mon blog pour lire mes derniers commentaires, me téléphone ou m’envoie des mails. Pour lui qui était au 725, notre chance était grande. Pouvoir aller à Orléansville, évoquer ces petites satisfactions, replonger de temps en temps dans cette vie civile…. Je comprends très bien le message qu’il veut me faire entendre mais je fais celui qui ne sait pas. Alors, il se lance dans une petite explication. Nous, à Bel Abès, au poste 725, pour venir, ne serait-ce qu’à Paul Robert, nous devons déjà prévoir deux heures de marche et qui plus est sous bonne escorte.

Claude Barthet avant un départ en opé

Le voilà avec ses copains de Bel Abès avant un départ en opé. Si vous vous reconnaissez, laissez votre message, je le lui transmettrais.

Il est vrai que nous n’étions pas tous logés à la même enseigne.

Il me raconte souvent ce qu’il vit à Bel Abès et il a le souvenir d’une attaque que lui a confié un ancien. Une attaque qui a eu lieu avant son arrivée en Algérie. C’était le 12 juin 1959 à 23h. Les fellaghas avaient attaqué le poste 725. Des tirs nourris crachaient le feu de toute part et tout près de l’endroit où ils se trouvaient. Ils ont tous été surpris par la rapidité de cette attaque. Il y a eu un mort et neuf blessés. C’était la panique générale partout dans le poste. Les harkis sont partis et seuls les militaires étaient là pour riposter. Ils étaient une quinzaine (voir photo ci-dessus) pour répondre à plus de cinquante fellaghas. C’est un miracle s’ils s’en sont sortis. Le combat à distance n’a pas duré plus d’un quart d’heure car les fellaghas ont décroché. Ils devaient croire que dans le poste, ils étaient nombreux à riposter et heureusement car à quinze ils n’auraient pas pu tenir longtemps. Le poste 725 aurait pu être pris cette nuit là. Les toiles des tentes et les pneus des véhicules en stationnement étaient percées par les balles, il y avait des impacts partout. Leur vie ce jour là n’a tenu qu’à un fil, le départ de l’ennemi. Ouf !

Copie de Algérie Bel Abès Perret Henri Il est possible aussi que le fil avait pour nom Henri Perret, Sous-Lieutenant, chef de section au 18° RA. L’article que je viens de retrouver et qui lui est consacré, dépeint l’attaque de Bel Abès au Poste 725. Il y a quelques différences entre les deux descriptions mais la similitude est grande. Le récit de cette attaque est un fait vécu véritable avec les conséquences que vous connaissez. 

Et si fellaghas étaient synonyme d’Atropos qui avait le rôle de couper le fil de la vie quand bon lui semblait. 

Nos contacts souvent répétés nous conduisent à relater les souvenirs de notre séjour en Algérie, cela va de soit, vous en conviendrez. Et c’est ainsi que lors d’un échange, Claude me parle du couteau algérien, le Douk Douk que j’avais complètement oublié. Il se rappelle que tous les harkis en possédaient un. 

Le Douk Douk  Douk Douk - Couteau algérien Alors, nanti de cette nouvelle information, je me suis mis en quête de renseignements sur le petit objet retrouvé cinquante ans après. C’est ainsi que j’ai découvert qu’une Célèbre Coutellerie Artisanale Française fabriquait ce couteau depuis 1929. Le coutelier imagina un couteau fermant à manche plat en acier plié doté d’un ressort et d’une lame forgée dans les meilleurs aciers de l’époque pour procurer à la lame du couteau un tranchant incomparable.  Une fois le couteau réalisé, il choisit de l’exporter vers la Malaisie, pays dénué alors de toute concurrence commerciale. Pour baptiser son couteau et se donner davantage de chance de le vendre sur place, notre coutelier fut attiré par un personnage, appelé Douk Douk, qu’il découvrit sur place sur une couverture de magasine et dont la silhouette singulière en forme de sorcière l’enthousiasma aussitôt.

douk_sepia_danseurs_small  La silhouette en forme de sorcière

Le personnage frappé sur le manche est à l’effigie du Dieu mélanésien Douk-Douk. Son origine se perd dans la nuit des temps et son culte est encore perpétué et florissant de nos jours en Mélanésie.

Ce couteau fut immédiatement baptisé Douk Douk.

L’image de la Sorcière «frappée» sur les manches de couteau.

 Douk Douk SorciereLe Douk Douk sorcière 

Et c’est ainsi que naquit le couteau qui porte encore aujourd’hui le nom de Douk Douk Sorcière. 

Copie de tat4-1  Certains le faisaient tatouer sur le bras

En 1930, le modèle du Douk Douk fut breveté et la fabrication industrielle du couteau débuta. Sa commercialisation en Malaisie fut un échec total…. Les raisons peuvent-être multiples (culturelles, économiques) mais le coutelier ne savait surtout pas que le «Sorcier» Douk Douk était craint dans les contrées lointaines où il incarnait le châtiment; une raison vraisemblablement suffisante pour vouer à l’échec le couteau Douk Douk sur l’Océanie.  Toutefois, le coutelier, loin d’être découragé par ce travers, tente sa chance vers une nouvelle destination pour son couteau : l’Algérie. Le succès est alors immédiat et dépasse l’entendement !

La diffusion du couteau est alors décidée vers le Proche Orient, l’Afrique Noire et l’Asie du Sud Est où le Douk Douk rencontre le même engouement.  

La coutellerie personnalise alors ses modèles (nom et décor du manche) : entre autres,

le Tiki  Douk Douk Tikii

et l’El Baraka Douk Douk Baraka

quelques années plus tard, l’Ecureuil voit le jour Douk Douk Ecureuil

Les qualités du couteau Douk Douk lui permettent de percer en France, en Europe et dans le monde entier. Avouez qu’il eut été dommage que Claude ne me rappelle cet épisode du couteau Douk Douk. Comme on oublie vite les petits détails des périodes troublantes.

Nos missions ravitaillement nous conduisaient vers les Batteries qui dépendaient bien évidemment du Poste de Commandement de Paul Robert. Je ne me souviens plus du Nom de ce gars du midi, (probablement parce que je m’étais imprégné de son nom de code), qui m’appelait à la Tour des radiophonistes pour lancer une commande de canettes de bières. Il était à Fourmeaux, on ne se connaissait pas, nous avions le même accent, est-ce pour cela qu’il préférait s’adresser à moi, je ne saurais probablement jamais. Il me disait toujours « Entre gars du midi, on peut bien se rendre quelques petits services. Peux-tu me faire livrer, etc…etc…, lors du prochain convoi ».   

Lorsque je sortais de mes heures de permanence, je fonçais au foyer et je confiais la commande de mon ami au responsable. Quand je reprenais la permanence à la Tour, je trouvais toujours un petit mot de remerciements de ce copain inconnu. Ami, si tu te souviens, mon nom de code était « DMS » Delta Mike Sierra. 

Tiens, je vais profiter de ces ravitaillements pour vous présenter nos batteries. 

Carte du Dahra et d'El Marsa  Voici l’original de la carte du Dahra et d’El Marsa

On distingue facilement les emplacements des villes : Orléanville, Ténès, Pointe Rouge, El Marsa, Le Guelta, Paul Robert.

M Carte Ténès  Ici Ténès au Nord d’Orléansville

Fourmeaux  Ici, la ferme de Fourmeaux  

2ème Batterie  Là, la deuxième Batterie

Poste Faivre  Puis, le Poste Faivre

La Guelta  En bord de mer, Le Guelta au Sud d’El Marsa

Vue sur le Guelta  Vue du Guelta. Photo prise de Soufi

El Marsa  El Marsa

M carte El Marsa

J’ai conservé d’El Marsa un très mauvais souvenir. Et pourtant, c’était un bien joli petit coin de paradis. D’ailleurs, nous apprenons que ces plages sont les lieux favoris et privilégiés des gens de la grande ville. 

El Marsa, vue générale  El Marsa, vue générale

El Marsa, le port  El Marsa, le port. A l’horizon, l’Îlot Colombie

El Marsa, le phare  El Marsa, le phare

El Marsa, l'îlot de Colombie  El Marsa, l’Îlot Colombie

Voici la petite histoire d’El Marsa que je ne pourrais jamais oublier.

Lors d’un ravitaillement, que nous avions dû faire plus rapidement qu’à l’habitude, nous avons eu l’agréable surprise d’être invité par notre Adjudant, responsable du convoi, à aller à la mer prendre une heure de détente. 

Nous avons eu subitement le coup de foudre pour ce lieu inespéré à ce moment précis.

La plage et l’îlot, souvenirs, souvenirs, sans hésiter, nous nous sommes tous jetés à l’eau. Ce bain inattendu avait un goût de vacances dont nous voulions profiter au mieux sachant que cela ne serait que de courte durée. Mais voilà, le côté vacances, détente, farniente, fut tout à coup interrompu par notre ami (je crois me souvenir qu’il s’appelait Delorme). Il s’était éloigné du groupe et on le voyait en difficulté se débattre au loin. Je suis parti vers lui pour l’aider à sortir de cette «probable» noyade mais il avait déjà bu la «tasse» et il se débattait tellement que je ne pouvais en venir à bout. Il a fallu que je lui donne un bon coup sur la tête pour le calmer. Alors que je m’évertuais à le tirer, j’ai vu arriver un copain qui était parti après moi. Nous avons réussi à le ramener sur le sable, nous l’avons tourné sur le côté ce qui a provoqué d’importants vomissements. Il était sauvé, nous étions contents de le voir respirer enfin mais quelle peur… 

Peu après, alors que je m’habillais, je me suis aperçu que je n’avais plus ma chevalière sur l’annulaire. J’ai failli pleurer tellement j’avais du chagrin. Cette bague m’avait été offerte par mamé Léa avant mon départ pour l’Algérie. Elle y avait fait graver mes initiales et tous les matins à mon réveil je lui faisais un petit bisou. J’avais toujours une pensée pour ma mamé. Cette bague était super belle et j’y tenais beaucoup. Je me demandais déjà ce que j’allais pouvoir dire à ma grand-mère. Je savais que je la rendrais triste, ça me déplaisait, ça me rebutait énormément. J’étais indigné à la pensée que je pouvais faire du mal à cette mamé si gentille que j’aimais tant. 

El Marsa, c’est aussi un bon souvenir très récent et ô combien agréable à raconter. Mon inscription aux «Copains d’Avant» m’a permis de retrouver bon nombre d’amis du 18ème RA et parmi eux, un tout nouveau, Victor Nicolino, le niçois. Il était basé à El Marsa, de février 60 jusqu’au mois d’octobre 61. Peut-être nous sommes-nous vus, connus sans le savoir. Puis le 22ème RI a remplacé le 18ème RA et a pris possession de Pointe Rouge et du Phare de Colombie, 

Phare de Colombie  Le phare de Colombie

Victor s’est retrouvé muté au Guelta. Depuis notre nouvelle rencontre sur les «Copains d’Avant» nous correspondons régulièrement et échangeons des informations dès que nous en obtenons de nouvelles. Aujourd’hui, Victor vient de m’apprendre qu’il était avec Wallemme Daniel, un ch’ti,  papa de Jean-Guy, l’entraineur de l’équipe de football de Lens. 

Vous avez remarqué comme les événements peuvent très vite changer. Le ravitaillement, la plage, la douce oisiveté, le farniente, la noyade, la déception, la joie, les souvenirs, les retrouvailles, les copains et enfin, allez donc savoir pourquoi, le foot, c’est «ti» pas beau tout ça !!! 

Ces photos du Guelta m’ont été offertes par mes amis Victor et Maurice que je remercie infiniment, sans eux, sans vous, ce blog ne serait pas ce qu’il est.

06_LE_GUELTA__LE_PREFET_RETOUR_00001

C’est Maurice qui garde le panneau de signalisation

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Une vue sur la mer

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Une avenue bordée de Palmiers

Le Guelta Maison abandonnée occupée par une section de la 2ème batterie - 1959 - 61

Belle  villa abandonnée. Elle est occupée par les militaires de la 2ème batterie

Le Guelta Maison occupée par les civils - Bistrot du Guelta - On y buvait l'anisette - 1959 - 61

C’était le bistrot, les propriétaires l’occupaient encore

Le guelta Au fond l'immeuble de la gendarmerie - Au 1er plan maison abandonnée suite aux événements. 1959 - 61

En arrière plan, la gendarmerie 

J’ai retrouvé des photos d’époque du Guelta, je suis heureux de vous les faire partager.

Le Guelta, vue générale sur l'Avenue

Une vue générale de l’Avenue

Le Guelta, la Brasserie

La Brasserie

Le Guelta, la maison de l'Administrateur

La maison de l’Administrateur

Il m’est arrivé à plusieurs reprises, d’accompagner des convois à Oued Fodda, lieux où est situé le grand barrage alimenté par, je crois, le lac Lamartine si ma mémoire est encore fiable. Je suis toujours resté en contemplation devant cet ouvrage. Je n’en connais pas la vraie raison mais je pense aujourd’hui que c’est ici que j’ai vu un barrage pour la première fois. Et puis, est-ce anormal d’être contemplatif et d’avoir en l’instant une pensée pour ce grand poète. Je me suis surpris à réciter tout bas ce que j’avais appris quelques années auparavant.

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, dans la nuit éternelle emportés sans retour, ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges jeter l’ancre un seul jour. 

Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière, et près des flots chéris qu’elle devait revoir, regarde ! Je viens m’asseoir sur cette pierre où tu la vis s’asseoir ! 

Je n’en suis pas certain mais je pense qu’une petite révision me suffirait pour aller jusqu’au bout.  Je vous invite à voir les photos d’Oued Fodda et du barrage.

Il est aussi appelé «Barrage Steeg» du nom d’un des gouverneurs de l’Algérie Française, le barrage d’Oued Fodda est le premier des grands barrages construits en Algérie. L’étude de faisabilité débute en 1910 mais sa construction commence en 1926 pour se terminer en 1932.

Lamartine - Le Barrage, vue sur l'Ouarsenis  

Lac Lamartine, vue sur l’Ouarsenis

Barrage de l'Oued Fodda11

Barrage Oued Fodda

Barrage Oued Fodda

Barrage Oued Fodda vue de face

L’ouvrage construit pour le compte du service central des irrigations en Algérie mesure 89 mètres de hauteur pour 65 mètres d’épaisseur à la base et 182 mètres de ligne de crête, barre une vallée profonde composée de calcaires très fissurés qui ont nécessité pour leur imperméabilisation l’injection à haute pression de produits chimiques et de ciment. Cette région d’Oued Fodda comme Carnot et Orléansville a été affecté par de grands séismes et cette nouvelle technique s’avéra efficace car plusieurs secousses telluriques n’eurent aucune conséquence pour le barrage. Sa construction et celle des ouvrages annexes ont nécessité l’exécution de 320 000 mètres cubes de béton.

Sa capacité de 225 millions de mètres cubes permettait d’irriguer 18000 hectares sur la rive gauche de la vallée du Chélif en amont du seuil de Pontéba dans la vallée d’Oued Fodda.

Que de fois je suis venu ici et toujours avec plaisir, j’aimais ces lieux qui me rappelaient mes belles Cévennes.

Ce blog évoque le passé, mon passé et parfois celui des copains et amis que j’ai côtoyés au 18ème RA mais aussi les souvenirs des anciens de ce même régiment que je viens de retrouver.  

Parmi eux, celui dont je recherche la famille et les amis depuis des années, mon ami Le Clanche Joseph. Pour la circonstance, permettez-moi de relater, une fois n’est pas coutume, le présent. 

Aujourd’hui 16 mars 2009 est un très grand jour pour moi. Je viens enfin de voir aboutir mes recherches. Tout commence vraiment au Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA) à Rennes qui me dirige vers le Bureau du Service National qui m’apprend ne pas pouvoir faire de recherches au delà de 50 ans. 

Mais, mais, mais, ne baissons pas les bras, la persévérance est une de mes qualités. Je téléphone alors au Bureau Central des Archives qui se trouve à Pau. Est-ce la coïncidence ou pas…. 

Le saura-t-on jamais…. toujours est-il qu’en matière de pot, ce jour là, je fus extrêmement gâté. Le peu de renseignements que je possédais, pouvait stopper immédiatement un simple début de recherches. Mais il était dit que la chance aller enfin m’ouvrir grand les bras. La charmante personne que j’avais à l’autre bout du fil faisait l’impossible pour me venir en aide. 

Donc, aujourd’hui 16 mars, il est 9 heures, je suis en communication téléphonique avec cette dame de Pau qui me permet d’obtenir enfin tous les renseignements que je cherche depuis si longtemps sur mon ami Le Clanche.

Le voici enfin  Jo Le Clanche  Je sais maintenant qu’il résidait à Kerguinoret sur la commune de Crach dans le Morbihan. Je retrouve son prénom, Joseph. C’est à partir de ces derniers renseignements que j’ai pu compléter la page que je lui dédie. Il ne me manque qu’à rechercher sa famille ou ses amis. L’annuaire électronique me permet de trouver un «Le Clanche», un seul, une seule devrais-je dire car il s’agit d’une dame. Je téléphone en fin d’après midi, et …… vous n’allez pas me croire…… j’ai la surprise, l’immense joie et le grand bonheur d’entendre la belle-sœur de mon ami Joseph. Nous discutons longuement, je suis avide de questions, je l’interroge sans arrêt et gentiment elle s’efforce de me répondre et de me présenter toute la famille. Avant que l’on ne se sépare, elle me confie le numéro de téléphone d’une des sœurs aînées de Joseph que j’appelle sans plus attendre. Et je vais de surprises en surprises, plus j’avance, plus mon carnet s’emplie d’informations. Là, j’apprends que Jo était ostréiculteur à La Trinité sur Mer et qu’il est décédé d’une hydrocution le 3 septembre 1962 à l’âge de 24 ans. Sa femme, Yvette, était enceinte de 3 mois. Voilà, c’est peu me direz-vous mais pour moi, c’est un bonheur immense, une joie indescriptible. J’espère avancer encore et vous promets une suite (toujours au présent) dès que j’aurais d’autres renseignements. Il ne me reste plus maintenant, qu’à digérer toutes ces nouvelles découvertes….. C’est quand même beau tout ce que je suis en train de vivre, vous ne pensez pas ?

Tout à coup me vient à l’esprit une chanson de Gilbert Bécaud que mon père voulait que je chante à chaque réunion de famille. Comme lui, j’ai fini par aimer les paroles et aujourd’hui, je voudrais que mon ami Jo m’entende alors que je suis en train de les fredonner. Je t’offre ce qui me reste de souvenirs mais peut-être ne sont-ils pas tous exacts, c’est tellement loin… 

<<…..Ami, mon pauvre ami, reverrai-je jamais, ton sourire gentil parmi l’immensité. Ô mon vieux camarade, mon copain, mon ami, parmi les terres froides, je te parle la nuit. Et ton pesant silence est un mal si cruel, que j’entends ta présence parfois au fond du ciel.>> 

Quelle émotion, quel trouble pesant autour de ces paroles porteuses de ce message que je voudrais tant, mon ami Jo, que tu puisses entendre. 

Rejoignons la terre, qui en ce moment est moins triste qu’elle ne l’a été…. Aux alentours de minuit, je découvre un mail qui m’indique que mon blog vient d’être lu. Il s’agit d’Isabelle, la belle-sœur de Joseph, mon premier contact. Elle est super contente et me laisse un commentaire élogieux en me confiant qu’il lui tarde de le montrer à son mari, le frère de Joseph. Dans son message, elle m’invite à aller dans le Morbihan leur dire bonjour. Ils sont tous tellement gentils. 

Nous sommes le 17 mars et j’ai l’immense joie de recevoir un appel téléphonique de Crach. C’est Thérèse, une sœur de Jo, mon deuxième contact. Elle a réuni chez elle une partie de la famille Le Clanche pour leur faire partager sa joie. J’appréhende très vite son intention de me présenter les parents de Joseph. Je ressens le trouble dans la famille, mais comme je les comprends, je suis moi même dans une telle émotion qu’il m’arrive de ne plus trouver mes mots. Je leur propose des photos de Joseph, rien ne pouvait leur faire plus plaisir. Je vais en profiter pour leur envoyer aussi quelques clichés de ma petite famille afin qu’ils nous connaissent mieux. Thérèse m’invite à aller les voir, tellement ils ont envie que nous fassions connaissance. En quelques heures, je découvre à deux reprises, l’accueil des Cracois, comme il est chaleureux. 

Je sors de mes pensées pour retrouver Paul Robert et revenir aux présentations de ce village. Les circonstances ont fait que je vous ai déjà dévoilé El Marsa et Le Guelta mais je tiens à vous faire partager quelques vues de cette petite commune où nous étions basés.

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Derrière la Cave Coopérative apparaissent les vignobles de Paul Robert,

Au sommet du toit, les Cigognes font leur nid

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M vue sur le vignoble aux alentours du village

Une nouvelle vue sur le vignoble aux alentours de Paul Robert

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A Paul Robert, il n’y avait pas seulement des vignobles, on récoltait aussi le foin

M Vue sur les alentours de Paul Robert

Une vue éloignée du village 

M PR vue générale et route de la mer

Vue générale du village et route de la mer

M PR la rue du Haut du 1-18 RA

La rue du haut du 1/18 RA, au loin, l’église

M PR La rue du haut rue du 18 RA  

Cette rue me semble être la même (rue du 1/18 RA) prise du côté opposé

Ces rues traversent le bourg. La notre, celle qui longe le mur de notre petit hôtel quatre étoiles, nous conduit tout droit vers le petit bar. Il était fréquenté par tous les militaires, c’était un lieu de rencontres où nous aimions nous retrouver pour échanger sur des sujets bien différents mais la France revenait souvent dans nos discutions. Le patron, Monsieur Martin Loulou et le barman, Ali. (Je viens d’apprendre qu’il réside toujours à Paul Robert et qu’il a 80 ans) Attenant au bar, il y avait l’épicerie que nous fréquentions souvent pour améliorer l’ordinaire.

Le 11 novembre 1959, (si ma mémoire est bonne) nous devons faire du «Présentez-armes».

Le rendez-vous est fixé sur la place face à la cave coopérative.

  4 monument aux morts

Le Commandant Picaud va inaugurer le Monument aux Morts en présence des autorités du village.

Le discours qui s’impose à cette cérémonie sera assez bref.

3 monument aux morts  L’instant est grave et solennel. 

1 Monument aux morts La stèle est découverte.

 5 Monument aux morts

La musique de Ténès présente ce jour là, entonne un air de circonstance.

Encore quelques photos pour vous présenter le vécu de ce petit village.

Corvée de bois

La corvée de bois que faisaient de toutes petites filles

J’ai encore le souvenir marquant de ces petites filles portant un fardeau. Je les croisais souvent dans la rue et ce spectacle était pour moi tellement désolant que j’avais du mal à le supporter.  A ma connaissance, on parle de fardeau lorsqu’on évoque les années, ici, il s’agit du poids du fagot de bois que portaient ces fillettes.

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La Fontaine, la corvée de l'eau

Ici, la fontaine où les fillettes venaient ravitailler en eau à dos d’âne

A la fontaine, le décor qui s’offrait à nous n’était pas plus apaisant que le précédent.

Je vous ai déjà présenté la cave coopérative, la poste et l’église. 

M PR l'école et la mairie  

Voici l’école et la mairie

 

Bâtiment occupé par le dépannage et le Standard

Ce bâtiment tout en longueur est occupé par le bureau des effectifs, le standard et l’atelier qui sert aux divers dépannages des appareils des transmissions et matériels téléphoniques. Il est situé en bordure de route, face à la boulangerie que l’on aperçoit en contrebas. 

Le CFJA

Le CFJA, le Centre de Formation des Jeunes d’Algérie on le trouve à la sortie du village.

Voici l’information à propos de ces Centres.

A la fin de l’année 1958, le général SALAN décide de créer les structures permettant d’utiliser au mieux les moniteurs, et d’encadrer le maximum de jeunes. L’Arrêté du 1er décembre en définit les buts: «améliorer par une action de masse la situation matérielle et morale de la jeunesse non scolarisée». Le SFJA, le Service de Formation des Jeunes Algériens, ainsi créé animera trois structures:  

- les Centres de formation de la jeunesse d’Algérie (CFJA), internats de 20 à 40 élèves, dispensant pendant un an éducation générale et préformation professionnelle. 

- les Foyers de jeunes, externats mixtes d’une centaine d’élèves. Supportés par les SAS, ils dispensent pendant deux ans la même formation que les CFJA,  

- les Foyers sportifs, chargés de l’initiation sportive sous la direction des SAS ou des unités de sous-quartiers.  

L’HISTOIRE DES S.A.S – SECTIONS ADMINISTRATIVES SPECIALISEES est un peu différente. 

LEUR FONDATION DATE DE 1955. Cet été là, le Gouverneur Général Jacques Soustelle, avec le Général Parlange, figure légendaire des Affaires Indigènes du Maroc, décide de renforcer l’administration des Communes Mixtes et crée dans le bled des Sections Administratives Spécialisées dépendant d’une administration des Affaires Algériennes installée à Alger. Il demande aux Forces Armées, principalement à l’Armée de Terre, de détacher des officiers et des sous-officiers en position «Hors Cadres» au service des Affaires Algériennes. Des anciens officiers des Affaires Indigènes du Maroc encadrent les premières S.A.S. et sont intégrés dans la hiérarchie des Affaires Algériennes au niveau des Sous-Préfectures et Préfectures . L’effort porte d’abord sur le Constantinois et une partie de l’Algérois «Grande Kabylie» et s’étend par la suite à l’ensemble de l’Algérie puis aux villes «Sections Administratives Urbaines». A leur maximum, les Affaires Algériennes comprendront 700 S.A.S, des échelons de liaison au niveau des Sous-Préfectures et Préfectures et une administration centrale à Alger. Au total, de 1955 à 1960, 4 000 officiers d’active et appelés serviront dans les S.A.S.

Cette parenthèse étant faite, je vous présente le Souk.

Le dimanche matin c’était jour de marché (pardon, le souk) à Paul Robert. Nous y allions par curiosité espérant toujours trouver la perle rare et faire la bonne affaire mais pour tout vous dire, c’était vraiment le souk.

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Quelques vues d’ensemble du Souk à Paul Robert, le dimanche

Le Souk

A la recherche de la bonne affaire

Les jours passent sans trop d’embûches mais la méfiance règne journellement.  À Paul Robert, les postes de garde étaient positionnés dans tout le village et même dans les parties environnantes. L’ensemble avait été fortifié et nous garantissions les protections et les défenses la nuit dans des miradors installés tout autour de ce petit bourg. 

La fin de l’année 59 va très bientôt se terminer et je vais devoir passer par l’année 60 pleine et entière en Algérie. Il est vrai qu’à Paul Robert je ne suis qu’un «bleu» qui vient de poser ses valises.

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Je vous remercie infiniment.

Votre visite me touche beaucoup.

Si vous avez quelques commentaires

à faire sur ce récit, je lirai votre message

avec la plus grande attention. 

Si vous souhaitez  découvrir la deuxième partie

de cette épopée ô combien douloureuse,

vous devez cliquer dans la colonne de droite au N° 5

«Suite et Fin de mon séjour

à Paul Robert au 1/18ème RA»

Merci.

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