Algeriede1959a1961 – 1/18 RA – Paul Robert – Orléansville

5 – Suite et fin de mon séjour à Paul Robert au 1/18ème RA

 

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Bienvenue sur la 2ème partie

de mon épopée au 1/18°RA.

Nous reprenons la lecture

à la veille de la nuit de Noël 1959,

puis, au premier de l’an 1960 à Paul Robert.

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La Noël, le Premier de l’An, sont des fêtes importantes pour tous, y compris pour les militaires qui sont loin, très loin de leur famille. Je pense à environ 1500 km.

Commençons par évoquer Noël de l’année 1959.

Nos gradés nous ont demandé de préparer la salle du foyer pour accueillir les festivités. À ces soirées sont invités à participer, les résidents du village. Le foyer va être plein comme jamais il ne l’a été. La grande salle sera comble.

Non ce n’est pas une erreur, vous allez retrouver quelques photos déjà vues dans la première partie de mon blog. Ceci afin d’agrémenter, d’embellir, d’enjoliver et de mieux comprendre les différents cycles que je vais vous faire découvrir. 

Le Foyer

Une partie de la salle avant que ne débute la soirée

Foyer

Les responsables du bar  sont déjà à l’ouvrage depuis quelques jours. Ils ont en charge l’approvisionnement et le chef leur a donné pour consigne «Et surtout qu’il ne manque rien». Ils ont l’habitude, ils savent ce que cela signifie.  Les réjouissances approchent. La première des deux fêtes : la nuit de Noël. Les grands préparatifs sont à l’ordre du jour. Certains, ceux qui ne sont pas de garde doivent faire le spectacle. Des pièces de théâtres «amusantes» seront jouées par mes amis. D’autres, auront un rôle un peu différent en ce sens qu’ils ne se produiront que pour chanter sur scène. Les demoiselles de Paul Robert participent à la fête avec les militaires. 

Le grand soir est enfin arrivé et comme le chante si bien Tino Rossi :

C’est la belle nuit de Noël
La neige étend son manteau blanc
Et les yeux levés vers le ciel
A genoux les petits enfants
Avant de fermer les paupières……

À Paul Robert, le Père Noël ne passera pas (pour nous) mais si nous pouvons avec nos faibles moyens et les petits colis de chacun, égayer cette petite soirée afin de sortir civils et militaires de l’ordinaire, pourquoi ne le ferions-nous pas ? 

Et la fête se déroule comme nous l’avions prévu. Chacun donne le meilleur de lui-même pour faire que ce premier Noël soit une pleine réussite. A la fin de chacune des scènes, chants ou pièces de théâtre, les spectateurs applaudissent tous sans aucune retenue pour manifester leur satisfaction, de toute évidence, totale, complète et enthousiaste. 

Le Foyer la salle comble

Regardez, quand je vous disais que la salle serait au complet. L’entracte, d’un quart d’heure, verra le bar envahi et les serveurs débordés à tel point que le renfort arrive pour faire face à toutes surabondances. Je plaisante, bien évidemment.  Le spectacle reprend demi heure plus tard et pour cause. Toute la soirée sera ce que voulaient en faire les militaires, une nuit de bonheur et d’oublie. Tard, très tard dans cette solitude nocturne du village, nous regagnerons, sans bruit, nos habitations, espérant, une fois n’est pas coutume, pouvoir nous reposer longuement dans la matinée du 25 décembre. 

Ce jour là, nous n’avons rien su de ce qui venait de se passer et heureusement pour nous tous qui sortions d’une nuit de fête car ce que nous avons appris par la suite n’étaient pas très réjouissant. Les quelques informations que nous avons eu nous viennent de notre ami corse Étienne Ferracci. Il avait obtenu une permission pour se rendre chez lui à Berre L’Étang dans les Bouches du Rhône pour passer Noël avec sa femme et son fils né le 15 décembre 1959. Cet Étienne, il est impayable. Il vient à peine d’arriver à Paul Robert et voilà qu’il nous laisse déjà. A Alger, il rencontre un ami corse (Maréchal des Logis Chef) qui lui propose de faire le voyage avec lui. Étienne était bien ennuyé car il n’avait qu’une réservation pour prendre le bateau mais son ami qui avait des connaissances à l’aéroport d’Alger lui a fait changer son billet et ils sont partis tous deux en avion sur un vol Alger – Marseille. 

À Marignane, Étienne n’avait personne pour l’attendre (puisque ce contretemps n’était pas prévu) alors que son ami se voyait très vite entouré de toute sa famille. Tous allaient récupérer les valises lorsque le haut-parleur annonça que le Maréchal des Logis Chef devait se rendre dans les plus brefs délais à l’accueil de l’aéroport. Là, un télégramme de la plus haute importance l’attendait. Il était invité à reprendre le premier avion en partance pour Alger afin de rejoindre le plus rapidement possible le 18ème RA à Paul Robert. Une mission urgente et très sensible l’attendait dans le secteur de Ténès. Le PC venait de recevoir des informations fiables qui laissaient à penser qu’il valait mieux ne pas trop attendre pour intervenir. Lui et lui seul pouvait prendre la responsabilité du commando car il connaissait mieux que quiconque ces lieux pour y avoir crapahuté maintes et maintes fois. C’était un baroudeur. Mais l’embuscade, encore et toujours elle, a surpris l’ensemble des hommes du Maréchal des Logis Chef en pleine nuit, et le malheureux y a laissé la vie. Quelques soldats s’en sont sortis mais tous sont revenus avec des blessures plus ou moins graves. Évidemment, vous comprendrez que cette nuit de fête aurait pu être assombrie et même obscurcie d’un grand, très grand malheur mais nous ne l’avons su qu’au retour d’Étienne qui lui en a eu connaissance pendant qu’il était en permission, par les parents de son ami. 

Nous avons supposé que parce que la mission se déroulait dans le secteur de Ténès, il avait été facile aux autorités de Paul Robert de taire cette douloureuse affaire. Les jours qui suivirent ne furent utilisés qu’à la préparation de la deuxième fête, celle du premier de l’An. Comme pour la précédente, tous les militaires se donnèrent à plus de 100% afin que le grand public de Paul Robert ne soit pas déçu. Chacun dans son petit coin révisait sa partition. Souvent dans l’après midi les acteurs se retrouvaient pour peaufiner le spectacle.  Et voici enfin le soir tant attendu du 31 décembre 1959. Comme six jours auparavant, tous sont enfin prêts pour commencer la fête qui durera toute la nuit. Un premier de l’An ça se fête…. 

 Au foyer, le spectacle commence par des applaudissements car vient d’entrer en scène le magicien, celui qu’on appelle aussi l’illusionniste et parfois même le prestidigitateur. Attention, Mesdames et Messieurs, le spectacle va commencer. Le tour qu’il doit réaliser est de la plus haute importance. 

Commandant Picaud bbb  N’allez surtout pas croire qu’il doit faire disparaître le Commandant Picaud, Chef d’Escadron du 1/18ème RA. Ici lors de l’inauguration du Monument aux Morts. Avouez que la tâche serait beaucoup trop laborieuse et malaisée. 

 Non, ce soir, l’homme en noir, au chapeau de paille doit faire sortir de sa cachette notre petit chien fétiche «Pendart».

Le magicien et Pendart  

Regardez par vous même, d’un coup de baguette magique, d’un seul, il fait apparaître «Pendart».

La réussite est totale et se termine comme elle avait commencée, par des applaudissements.

Viennent ensuite :

les défilés  Les défilés

les chants   Les Chants  Les chants 2

les danses  Théatre à PR la danse

les pièces de théâtre Théâtre 2 Théâtre 4  Théâtre 6  Théâtre 1  

 Théâtre 5  Téâtre 3

et, comment pourrions-nous oublier, les danseuses étoiles de Paul Robert qui ont tenu à participer à la fête.

Voyez comme elles sont belles. Nièce de Madame Olivier Les danseuses

Un peu avant minuit, nous annonçons l’entracte qui permet à chacun d’aller se désaltérer au bar.

Au bar du foyer  Ici quelques copains qui ne participaient pas et qui avaient commencé à «forcer» légèrement sur la canette. De gauche à droite, Rousseau, Francon, Hermentier, X et Bonnet.

Au foyer 2 Là, avec Jean Claude Aigrot qui participait à la fête avec les militaires. On distingue de gauche à droite, JC Aigrot, Le Clanche et puis c’est l’inconnu… Si tu te reconnais, un petit signe.

Je dois préciser aussi pour être complet que nous n’étions pas tous au foyer pour assister à cette nuit de l’An nouveau. Certains, dont je faisais partie assuraient la permanence à leurs postes respectifs. Les Graphistes, les Phonistes et bien entendu les Chiffreurs-Régulateurs, car rien ne peut se faire sans ce trio réuni.

Les graphistes et les phonistes  Ici, de gauche à droite, Gelb, Borel, à côté, Bonnet, dessous, Rousseau. Caché, Frankon, la petite tête devant, Hermentier, avec le calot, Dumas, puis viennent Le Clanche et (je ne sais plus). Si tu te reconnais, fais-moi vite un petit signe.

A zéro heure, l’occasion est trop grande de se retrouver pour fêter ensemble le 1er janvier 1960. Que de beaux souvenirs. J’assiste à mon premier en Algérie….et me voilà en train de rêver aux paroles d’une chanson corse qui est, je crois de Charles Rocchi. Que les corses qui me lisent veuillent bien confirmer ou infirmer et me pardonner si je me suis trompé. Il s’agit en fait d’une sérénade.

Écoutez : Il est minuit, la porte est close, point de lumière à ton balcon mais l’amour veille quand tout repose. Partons, partons, partons mais l’amour veille quant tout repose. Partons ma blanche étoile avec amour je te bénis toi qui vient dissiper le voile des nuits, des nuits, des nuits…C’est moi ton amant fidèle, ton cher amant qui chante ici. Tu me diras ma toute belle merci, merci, merci…

Qui a dit un jour que je n’étais pas romantique, ne le suis-je pas un peu. Chut ! Je ne fais part de mes pensées à personne, j’ai peur que l’on se moque. 

Rien ne semble pouvoir ternir, assombrir, obscurcir notre joie. On trinque, on rit, on chante et comme le veut la tradition, on se souhaite une bonne nouvelle année en émettant plein de souhaits tous aussi beaux les uns que les autres. Aucun de nous n’y fait allusion mais il est facile de comprendre que nous avons tous une pensée pour nos familles. 

À bien y regarder, à ce moment précis, nous ne pensons plus que nous sommes en Algérie pour rétablir le maintient de l’ordre. L’oublie est total.

Est-ce l’alcool ?

Je ne le pense pas. Nous n’avons pas assez d’argent pour nous en procurer.

C’est donc la fête que nous allons rendre responsable de nos joyeux ébats. Ne pouvons-nous pas prendre un moment de détente entre amis…C’est tellement rare. Comme des enfants enjoués, nous rions, nous chantons et respirons à pleins poumons ces beaux moments de joie.  Et pourtant, le pire que nous étions loin de prévoir, arrive et nous tombe sur la tête comme la catastrophe du siècle. 

Dans la cour du PC, nous entendons des appels que nous prenons pour des signes de fêtes mais nous devons bien vite nous rendre à l’évidence. Il s’agit de nos amis du commando qui viennent réquisitionner deux radiophonistes. Nous apprenons qu’un groupe de Fourmeaux 3ème batterie en mission vers Coco vient de tomber en embuscade. Nous comprenons que la chose est grave. Il faut tout de suite partir sur les lieux pour venir en aide aux derniers rescapés. 

Nous nous préparons en toute hâte, nous prenons notre poste radio et nous dirigeons vers la rue où nous attend la Jeep du Lieutenant qui a la responsabilité de cette mission. Nous rejoignons le convoi qui vient de se constituer devant la cave coopérative et nous partons à toute allure en direction du col de Coco.

Ce n’est que le surlendemain que nous apprendrons comment s’est faite la réquisition des militaires qui faisaient la fête au foyer. Tout a commencé par une coupure d’électricité, l’extinction totale des lampes de la salle. Un grand cri de surprise, qui ressemblait à un grand « HAAAA » se mélangea à l’obscurité. A peine le silence revenu, la lumière réapparut et le même cri retentit mais celui-ci était de joie. Dans la seconde qui suivit, la deuxième coupure eut lieu et avant même que d’autres cris n’apparaissent, la lumière revint, la porte du foyer s’ouvrit et un Adjudant Chef fit son apparition. (le but recherché était d’obtenir le silence sans crier, sans inquiéter, sans effrayer) Il demanda qu’on l’écoute et annonça la nouvelle. Il appela une vingtaine de soldats, leur demanda d’aller rapidement se préparer et de rejoindre le convoi devant la cave puis il repartit. Nos amis présents nous ont confiés que pour tous la fête s’était arrêtée à ce moment précis.

À notre arrivée, nous ne pouvons que constater les dégâts. Les traces toutes fraîches laissées par le combat donnent à penser que l’assaut a été d’une très grande intensité, d’une terrible violence. Nous parcourons les lieux et découvrons des cadavres, des blessés graves, très graves. Nous entendons des cris plaintifs, nous cherchons et apercevons un soldat tremblant, terrorisé, caché sous un véhicule, incapable de prononcer un mot. Il a tout vu, tout entendu, il a assisté à cette tuerie, cette barbarie insoutenable, il est terrifié, il semble être muet tellement il est choqué. Il est resté allongé sans bouger pour éviter qu’on ne le repère.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.    

Le dormeur du Val      Arthur Rimbaud

Reconnaissons sans arrières pensées, qu’il ne pouvait rien faire pour venir en aide à ses amis de combat et c’est sûrement cela qui semble l’avoir fortement marqué. Le carnage est total. Il faut parer au plus urgent. Nous disposons les blessés dans les ambulances et repartons avec l’Adjudant Chef très vite vers Orléansville. Le Lieutenant reste sur place avec le deuxième radio et un groupe constitué d’une vingtaine d’hommes. Il fait appel au PC pour obtenir deux renforts supplémentaires. Le premier va partir vers Coco, le deuxième nous attendra à Paul Robert pour nous «couvrir» jusqu’à Orléansville. 

La route est longue et dangereuse, nous sommes sur le qui vive. Qui peut dire ce que nous risquons, qui sait maintenant ce qui va se passer. Nous sommes tous préoccupés par le danger qui nous menace mais aussi par nos amis blessés qui gémissent à nos côtés et perdent beaucoup de sang. Que faire sinon patienter et attendre courageusement l’arrivée. 

Deux heures et trente minutes, il nous faudra tout ce temps pour enfin stationner nos véhicules à l’entrée des urgences de l’hôpital d’Orléansville. 

Avec mon poste sur le dos, je me porte volontaire pour prendre un brancard. La tâche n’est pas facile à accomplir mais personne parmi nous ne peut faire autrement que donner sa participation. Je suis placé à l’arrière et ma surprise est grande quand, en montant les marches de l’escalier qui conduit à la salle d’opération du premier étage, je vois couler à mes pieds le sang de mon ami. Ses blessures doivent être importantes, il a dû perdre beaucoup. Aujourd’hui encore, je revois ce spectacle saisissant, inattendu, que je n’ai jamais pu totalement oublier. 

Nous reviendrons vers Paul Robert au lever du jour afin de prendre moins de risques durant le trajet retour. La nuit du 31 décembre au premier janvier restera à jamais gravée dans nos mémoires.

La nuit fut donc des plus bruyantes, comme on peut le penser, car, en pareil cas, on ne peut combattre l’extrême préoccupation que par l’extrême insouciance. Alexandre Dumas.

Quelques jours plus tard les véhicules accidentés étaient rapatriés sur le parking de la cave coopérative.

1er janvier 1960 coco     1er janvier 1960 embuscade

1er janvier 1960

Nous sommes aujourd’hui le 13 juin 2009. Je dois encore et pour la deuxième fois, vous parler au présent. Au moment où j’écris ces lignes, je suis heureux de vous communiquer une très bonne nouvelle. Mon ami Jean-Claude Ricaulx qui était à Paul Robert en 59, vient de me téléphoner. Nous nous retrouvons 50 ans après, vous rendez-vous compte ? Afin que cela ne soit pas pris pour une imposture, une fourberie ou tout simplement une supercherie je tiens à vous donner, pour être crédible, quelques petites explications. J’ai passé une annonce dans un journal local. Jean-Pierre Bécamel, encore un nîmois de Paul Robert, en a pris connaissance et a contacté Jean-Claude avec qui il est toujours resté en relation étroite. Réaction instantanée de Jean-Claude «Dumas André, oui, bien sûr, je le connais, j’ai d’ailleurs une photo prise avec lui à Paul Robert.»

Jean Claude Ricaulx Paul Robert 1

Comme le monde est petit. Jean Claude réside actuellement dans un village tout près du mien et je l’ignorais. Ne dit-on pas que seules les montagnes ne se rencontrent pas. Depuis, nous nous sommes revus et à ma plus grande surprise, alors que je voulais passer incognito, il m’a tout de suite reconnu.  Quant à notre ami commun Jean-Pierre, il est devenu assidu de mon blog qu’il consulte chez sa fille. Il vient de me transmettre une photo que je m’empresse de vous montrer.

Jean Pierre Bécamel 2   le voilà devant son camion avec lequel il allait tous les jours en convoi à Orléansville.

Les jours, les mois s’écoulent sans incidents notoires, connus. Le 20 mars, jour du printemps, nous nous offrons une petite fête à l’occasion de mon anniversaire. Je réunis mes amis exemptés de garde.

1 Les copains 

 3 Les copains 

Les copains et, devant un gâteau accompagné d’une simple boisson, nous échangeons quelques rimes de chansons découvertes ici et là lors de l’intonation d’un air proposé par l’un d’entre nous. Celles qui obtiennent le plus de succès (ce jour là) et qui sont reprises à tue tête, sont : «Joyeux anniversaire Dédé, Joyeux anniversaire Dédé»… et puis, elle est à l’ordre du jour et c’est normal, Le Printemps de Michel Fugain. «Le printemps est arrivé, sors de ta maison. Le printemps est arrivé, la belle saisons. L’amour et la joie sont revenus chez toi. Vive la vie et vive le vent, vive les filles en tablier blanc. Vive la vie, vive le vent et vive le printemps».

Comme vous pouvez le voir, on s’amuse avec rien. Quelques paroles, un air de musique et c’est la fête. Ne vaut-il pas mieux que nous soyons comme cela…. sages et disponibles à tout moment comme l’exige le règlement. 

Le début du mois de mai va être révélateur d’une bonne nouvelle. Le responsable du bureau des chiffreurs-régulateurs, mon ami Jo, que je fréquente régulièrement depuis quelques mois a demandé à l’Adjudant Chef des transmissions de me former à son poste afin qu’après sa libération je puisse assurer la relève.

 Jo  ici avec Minouche 

Adieu veaux, vaches, cochons, couvées, la dame de ces biens, quittant d’un œil marri sa fortune ainsi répandue, va s’excuser à son mari, en grand danger d’être battue…….. 

Non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit et vous l’aviez sans doute compris.

Mais tout de même,

Adieu à dix mois de bons et loyaux services dans ma fonction de radiophoniste  dd         

Adieu mon poulailler dd3  

Adieu ma chambre quatre étoiles Ch PR 

Adieu mon bureau fabrication maison  dd2

Adieu mes placards «caisses à légumes» dd11 

Adieu mon poste radio SCR 300, Animation2 - Copie (2)  mon PA et ma sacoche, mon bidon, mon ceinturon et surtout, Adieu les gardes, les convois, les missions avec les commandos, je vais déménager, je vais habiter aux transmissions dans la cour du PC, tout près des bureaux du Commandant.

Avec mon ami Joseph, je vais être très studieux pour lui montrer qu’il a bien fait de me faire confiance. Nanti d’une très grande expérience et d’une application hors du commun, il passe des heures à m’expliquer comment on se sert des machines à chiffres, comment on code et décode et tous les jours on revoie le travail de la veille et on repart dans de nouvelles explications. Quelle constance, il est vraiment pourvu d’une patience exceptionnelle. C’est un vrai pro. Je me concentre sur ce qu’il fait et tous les jours j’enregistre des progrès. C’est Jo qui me le dit. Il est si gentil, si attachant. Joseph, n’est plus le copain que je fréquentais au début, à mon arrivée, Joseph, c’est beaucoup plus que cela, Joseph, c’est devenu mon ami. Un ami comme je les aime, un fidèle. Nous passerons ensemble des jours merveilleux avant qu’il ne s’évade dans son Morbihan. Je suis content, très content de le voir partir enfin vers sa petite famille mais (je ne le lui montre pas) je suis très malheureux de le perdre. J’aurais tant voulu que nous ayons le même âge pour vivre ensemble notre temps au 18ème RA. Salut Jo, ce n’est pas un adieu mais un simple au revoir. Nous n’allons pas nous perdre de vue, nous continuerons à communiquer. Dans notre nouvelle vie civile lorsque je serai libéré, nous nous retrouverons un jour, c’est sûr. A bientôt Jo. J’ai l’impression qu’il m’entend et qu’il écoute ce message. C’est quand même beau de rêver. 

Permettez-moi de vous faire partager quelques citations que j’aime. 

- Le rêve est un monde sans frontière.

- Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité.

- Il est facile de rêver les hommes, il est plus difficile de les garder.

- La véritable intimité est celle qui permet de rêver ensemble avec des rêves différents.

 Nous serons deux petits nouveaux au même poste car l’adjoint de Le Clanche, est lui aussi libérable.

adjoint Le Clanche  Ici, avec ses petites moustaches, regardez comme il a l’air sérieux.

Mon ami Gatty le niçois va travailler avec moi. Gatty 

On le voit ici devant les photos qu’il vient de coller sur le mur de notre nouvelle chambre.

Elle sera aussi notre bureau et notre cuisine.

Les deux nouveaux chiffreurs-régulateurs  Gatty et dd

 Avec JBB  Jean-Baptiste, au centre, était responsable du standard, il venait souvent nous rendre visite et nous partagions nos maigres repas.

Avec Gatty, nous établirons un tour de garde pour travailler mais aussi pour étaler nos moments de détente et de repos. C’est un poste où une présence est toujours indispensable de jour comme de nuit.

Minouche1    Minouche et Pendard1

Nos deux nouveaux compagnons de chambre s’appellent Minouche et Pendart. Nous avons bien vite appris à les connaître. Minouche, la rebelle, n’aimait pas que Pendart, le lymphatique, vienne la déranger pendant qu’elle faisait sa sieste. Elle savait lui montrer son mécontentement.

Ce nouveau poste, dans lequel je suis nommé responsable, me vaut d’être inscrit au tableau d’avancement pour le grade de Brigadier le 18 août 1960 avec prise d’effet à compter du 1er septembre 1960. Eh, les gars, je prends du galon. J’aimerais voir la tête de ma mamé Léa lorsqu’elle va apprendre que son Dédé est «gradé».

J’ai dit «gradé» pas «dégradé», comme vous y allez les mecs. Un peu de respect voyons !  

Revenons à ce mois de mai. Je l’ai souvent entendu appeler par ma maman «Le mois des fleurs» et je crois, qu’il est gratifié d’un proverbe que je ne trouvais pas très réjouissant lorsque ma grand-mère l’invoquait alors qu’elle avait connaissance d’une nouvelle union. Elle disait «Mariages du moi de mai, fleurissent tard ou jamais». Vous pouvez y réfléchir et vous faire votre propre opinion sur la chose, en ce qui me concerne, c’est fait. 

Imaginez-vous que les événements de ce mois de mai lui ont donné raison même si dans mon cas personnel il ne s’agissait pas de mariage. Alors que j’étais encore en période d’apprentissage et donc de formation au bureau chiffre, il m’arrivait souvent de faire des extras au poulailler pour venir en aide à mes amis phonistes afin d’alléger leurs permanences de plus en plus nombreuses. Ce matin là, je vois arriver sur la terrasse, au sommet de l’échelle, un gars que je ne connaissais pas. Il tenait à sa main une feuille de papier et j’ai tout de suite pensé que j’allais devoir passer un message urgent. Hors, il n’en était rien, même si urgence il y avait, puisque il s’agissait d’un télégramme qui m’était adressé. À la vue de ce minuscule papier, j’ai envisagé le décès de ma grand-mère maternelle malade avant mon départ. En toute hâte, j’ouvre et je découvre que je me suis trompé, mon intuition n’était pas la bonne. Il s’agissait de ma fiancée qui m’apprenait que notre rupture était indispensable du fait de son état avancé de grossesse. …fleurissent tard ou jamais. Voilà que ces quatre mots sonnent dans ma tête. Mamé Léa aurait-elle raison ! Ce dicton se confirmerait-il ! Que faire seul dans mon poulailler à plus de mille kilomètres. Je n’avais évidemment pas la possibilité de téléphoner pour avoir de meilleures informations, pour obtenir un dialogue. Et l’aurais-je eu que cela n’aurait rien changé du fait que personne n’avait d’abonnement au Poste – Télégraphe – Téléphone – PTT – dans ma famille et celle de ma fiancée. Je devais donc me contenter de ce petit bout de papier. Je me souviens l’avoir posé sur la planche qui nous servait de bureau et l’avoir lu et relu durant tout le temps où j’ai effectué ma garde à la tour des phonistes.

Je me sens seul dans ce monde, la solitude me gagne, le soleil qui éclaire ma cage me brûle les yeux, j’attends les nuages, est-ce possible que la malchance se soit inscrite… tout tourne dans ma tête, le courage ne m’inspire plus, je ne trouve pas de refrain joyeux à mon histoire, tous les mots sont dérisoires, je suis anéanti, fatigué, je n’en puis plus.

Les jours vont s’écoulés lentement, lourdement, oserai-je dire. Le poids de la nouvelle est difficile à supporter mais peu à peu le calme se fait, la nuit se dissipe, le jour revient, le soleil renaît. Chacun est à son affaire, à son plaisir, à ses amours. La vie rit et chante sur la tour du PC, on ne s’inquiète plus du tonnerre qui grondait, il est tombé. La vie est ainsi faite…

Quel avenir pour moi ? Demain sera-t-il meilleur ? Rose, noir, gris ? Mon avenir est toujours flou…Puis-je agir sur mon futur et prendre les choses en main ou bien suis-je victime de la fatalité ?

Mais l’avenir, (…..) est enveloppé d’un voile que nulle main ne peut soulever, que nul regard ne peut percer avant l’heure, et l’étoffe noire dont le destin avait fait (….) le mien semblait encore enrichie d’assez (….) d’imprévus pour qu’on ne s’aperçût pas que c’était une étoffe de deuil. Alexandre Dumas.

Il y a des moments où je suis dans un tel état d’abattement que je crois à l’anéantissement des hommes et des choses. Je tremble, je frémis, j’ai envie de lever les mains vers le ciel comme lorsqu’on implore la bonté qui incite à l’indulgence et au pardon. Puis-je encore le faire…

Sacré mois de mai. Comme un fait exprès, les mauvaises nouvelles s’enchaînent : Accident au commando qui crapahute entre El Marsa et Boudouma. Une grenade éclate, un militaire est très grièvement blessé. Il est resté deux heures sur le terrain à perdre son sang, le radio ne pouvant capter, ni le PC ni les batteries voisines. Il demande une rafale de PM pour l’achever car il réalise qu’il sera estropié toute sa vie. Dans la matinée, il est opéré et amputé d’une jambe et probablement des mains. Le lendemain, il décède durant son transport à Maillot. Pour lui, c’est une délivrance. Il était à 60 jours de la quille.

Les mauvaises nouvelles se succèdent. Je viens d’apprendre qu’un convoi remonte d’Orléansville. Dans un virage avant Aïn Serdoun la 7/6 capote dans un Oued. Le tireur est mort sur le coup, la mitrailleuse lui ayant écrasé la tête. Un autre militaire a deux fractures ouvertes, une au bras et l’autre à la jambe. Il est aussitôt dégagé sur Orléansville.

Une nouvelle embuscade a lieu près de Sidi Moussa. Il est 20 heures lorsqu’un camion est attaqué. L’embuscade est imparable. Bilan : 9 morts (7 harkis, le Chef XXX et le chauffeur XXX de la BCAS),  le festival continue.

Dans ces moments de détresse, j’ai tout à coup comme une impulsion, je vais au standard, j’ai un ami, il faut que je me confie, l’émotion me gagne, j’ai subitement besoin de parler. Est-ce d’être resté trop longtemps renfermé, je ne sais…

Dès les premiers jours de mon arrivé à Paul Robert, j’avais sympathisé avec André, le responsable du standard, peut-être parce qu’il habitait un village aux environs de Nîmes. Entre gardois il était normal que l’on se rapproche plus facilement. Il avait quelque mois de plus que moi et lors d’une permission, il était allé voir ma fiancée pour lui remettre quelques petits souvenirs que je lui faisais parvenir. C’était le seul à la connaître. Tous mes amis des transmissions avaient vu sa photo car il m’arrivait souvent de leur parler d’elle à l’occasion des courriers que je recevais ou que je lui envoyais mais André Vérun avait eu le privilège de la rencontrer.

vérun André est à gauche, accroupi à mes côtés.

André, j’ai pu retrouver son adresse, il réside toujours dans le petit village à quelques kilomètres de chez moi. Il est venu prendre le café un après midi. J’avais invité pour la circonstance, mon ami Jean-Baptiste qui avait pris en 1960 la place qu’occupait André au standard. Des retrouvailles à trois. On échange des points de vu quant à nos mémoires respectives et on se rappelle des souvenirs au regard des photos que l’on vient de sortir de l’album. Et, à ma grande surprise, alors que le sujet n’était pas évoqué, voilà que notre ami André, se souvenant de ma fiancée, raconte à qui veut l’entendre que devant la mauvaise nouvelle qui venait de me frapper de plein fouet, je voulais me suicider. Évidemment il a fait rire tout le monde à commencer par moi (rire un peu forcé) car je ne voulais pas que l’on sache. 

«Tous ces moments se perdront dans l’oublie, comme les larmes dans la pluie». Blade Runner.

Je m’efforce de tirer un trait sur cette affreuse nouvelle, je dois faire contre mauvais fortune bon cœur même si le cœur n’y est pas vraiment mais ne dit-on pas qu’un malheur n’arrive jamais seul.

Au début du mois de juin, je reçois un télégramme qui m’apprend le décès de ma grand-mère maternelle, la mamé Françoise. F Françoise1  Je savais qu’elle était malade, j’avais même pensé à elle lors de la réception du premier télégramme mais lorsque la réalité se présente à un moment où on ne l’attend pas, c’est le drame.  J’ai l’impression que quelqu’un m’a jeté un mauvais sort, il faut que je m’emploie à le conjurer. Je m’arme de courage et je fonce chez l’Adjudant Chef pour lui montrer le télégramme et lui demander l’autorisation de partir. Je me heurte à un «NON» catégorique. Pourquoi ce refus ? 

Tout simplement parce qu’il lui faut le certificat de décès. Alors je lui montre à nouveau le télégramme et je dirige son attention vers l’inscription suivante «CDD suit» ce qui veut dire, «Certificat de décès suit» mais c’est peine perdu, rien n’y fait, il est buté. Il me surprend vraiment, je ne le croyais pas aussi obstiner, je n’aurais jamais pu imaginer une situation pareille, je ne croyais pas cet homme capable de me faire autant de mal dans un tel moment de détresse. Pourquoi ce rejet, c’est incompréhensible. Je me voyais déjà au départ de Paul Robert avec une petite permission qui me permettait d’aller aux obsèques de ma grand-mère. Je ne parviens pas à comprendre. Tout tourne dans ma tête, je veux insister mais par où commencer… Il m’a coupé bras et jambes.

J’ai besoin de cette permission, je veux rentrer chez moi, je le supplie de m’aider à réaliser ce projet. Il est sourd et aveugle, le télégramme ne lui suffit pas, il lui faut le papier officiel de la mairie. 

Là, devant cette situation, je me fâche, je sens que je vais «péter» les plombs, il faut que je me calme, il vaut mieux que je m’éloigne. Je menace de partir en fausse pour aller aux obsèques de ma grand-mère. Pensez donc, il n’y croit pas et pense que je bluffe. Il me connaît vraiment mal. Je sors de son bureau fou de rage, je fonce à ma chambre et je prépare à la hâte une petite valise pour partir le lendemain avec le convoi d’Orléansville. Je préviens tous les copains et en particulier mon ami Étienne Ferracci, le responsable des graphistes aux transmissions. Je lui dis qu’un courrier va arriver, je lui demande de l’ouvrir et d’aller voir le juteux pour lui remettre ce fameux certificat de décès. Demain, je partirais quoiqu’il arrive, personne, non personne ne pourra m’en empêcher. Ne dit-on pas « À l’impossible nul n’est tenu ».

Ouvrons ici une petite parenthèse opportune.

- Napoléon Bonaparte pourrait en témoigner car lors de la préparation de la bataille à Marengo, en mai 1800, (déjà 200 ans) alors qu’il voulait franchir le col du Grand Saint Bernard à la tête de 60 000 hommes, 50 pièces d’artillerie et 3500 chevaux pour aller livrer une bataille historique contre les Autrichiens, ses généraux lui expliquent qu’il risque d’être impossible de faire passer l’artillerie par le col. Le rival d’Hannibal et de César répond : «Le possible est à la portée de tous, je veux oser l’impossible». C’est ainsi que commence le franchissement du col qui durera 6 jours, du 15 au 20 mai de l’année 1800. Encore le mois de mai. 

Le moment n’est pas à la rigolade mais je me souviens tout à coup que mon ami Guy, qui a effectué son service militaire en Algérie dans les paras, m’écrivait (en plaisantant bien sûr) «D’une p….., Napoléon fit une Impératrice, nous, moins exigeant, d’un c.., on fait un Adjudant». Il venait d’avoir une histoire avec son responsable de section. Carrément méchant….. Oh ! Oh ! Oh ! Heureusement que mon Adjudant Renaud, n’a pas entendu ça.

Refermons donc cette mauvaise parenthèse.

Le lendemain matin à la première heure, je me planque dans le premier véhicule en partance pour Orléansville et j’attends avec impatience que le convoi démarre. Le trajet se fera ce jour là sans aucun problème. Avant d’entrer dans le hall de la gare, je passe à la hâte mes vêtements civils afin de ne pas être accroché par la patrouille. Je fonce au guichet, je prends le train pour Alger, je vais à l’aéroport et je m’envole vers Marignane. Quelques heures après je touche enfin le sol français. Ouf, je n’imaginais pas que c’était aussi facile. 

Rallier Nîmes ne sera qu’une formalité. Arrivé à la gare, je cours, ma petite valise à la main vers ma rue Bonfa. Je me souviens de ce merveilleux moment où de loin j’aperçois mon papa au milieu de la rue. Il m’attend, sa petite moto (une 125 Terrot ou Magna Debon) à la main. Le temps des embrassades est de courte durée. Mon père m’apprend que les obsèques de mamé Françoise ont été retardées du fait du week-end de la Pentecôte, sans cela j’arrivais trop tard. Il me demande d’aller à Alès en moto, lui va prendre le train. J’ai une pensée pour les repas de famille et je me revois à table

avec mon père. F Léon et DD 

Nous étions souvent côte à côte.

Nîmes – Alès, 44 kilomètres. Je tire sur la poignée et j’accélère autant que faire se peut pour ne pas être en retard. Je ne me souviens plus du temps qu’il m’a fallu pour faire ce trajet mais je suis sûr d’avoir battu tous les records de mon père. Ma grand-mère habite la Grand-Rue. Le nom lui a été donné pour sa longueur mais c’est en réalité une rue étroite et piétonnière. Lorsque je coupe le contact, le moteur tousse d’abord pendant quelques secondes et donne l’impression qu’il va redémarrer puis, il s’arrête et dans le silence de la rue devant la porte du petit immeuble, j’entends au premier étage, le cri que pousse ma maman. «C’est mon fils, mon Dédé». Je monte les marches de l’escalier quatre à quatre pour me jeter dans les bras de ma mère qui pleure comme jamais je ne l’avais vu auparavant. Tous autour de nous, les soeurs, les beaux-frères, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines, les neveux, les nièces, veulent me soustraire à elle et m’étreindre à leur tour. Les retrouvailles avec la famille dans ces circonstances sont difficiles, pénibles, douloureuses. La journée sera pour moi très éprouvante. Nous rentrerons à Nîmes fatigués et nous passerons la soirée à relater nos souvenirs. Notre mamé Françoise nous a quitté, nous lui devons bien ça. Elle était veuve depuis plusieurs années. Mon grand-père Joseph, un mineur de fonds, très affaibli par le dur labeur était décédé à l’âge de 55 ans. Il avait laissé mamé Françoise au moment où elle avait le plus besoin de lui. 

Le lendemain matin, je me surprends à penser à mes copains que j’ai laissés avec précipitation. 

Que s’est-il passé après mon départ !  

Mon absence a-t-elle était remarquée ! 

Mon ami Étienne a-t-il reçu la lettre !  

L’a-t-il remise à l’Adjudant-Chef ! 

Qu’a-t-il dit !  

Ça va bon train dans ma tête, il faut que je me lève et que je sorte un peu pour évacuer tous mes soucis. Je suis en France, je dois oublier mon Adjudant Chef (le grand méchand loup) pour profiter au maximum de cette petite permission, le temps m’est compté. 

Raymond Lévesque me souffle à l’oreille. 

Quand les hommes vivront d’amour 

Ce sera la paix sur la Terre

Les soldats seront troubadours 

Et nous vivrons heureux mon frère 

Quand les hommes vivront d’amour 

Il n’y aura plus de misère 

Et commenceront les beaux jours. etc…etc…

Francis Lévesque, avait-il eu connaissance de mes déboires avec l’Adjudant Chef des transmissions…. 

Je déjeune avec ma maman. Elle s’est levée tôt pour aller m’acheter des croissants avec lesquels je vais faire «trempette» dans mon chocolat. Ça, c’est un vrai petit « dèj ». Mon papa a commencé à bricoler à la cave mais lorsqu’il m’entend, il revient, s’assoie à côté de ma mère pour m’écouter.

F Hélène et Léon Comme ils sont beaux.

Je prends une bonne douche, j’avais déjà perdu l’habitude de l’eau chaude, du shampoing et de la bonne savonnette à la lavande. Puis, j’accuse un moment de tristesse, les événements resurgissent dans mes pensées et je décide d’aller prendre l’air dans la rue devant la porte comme je le faisais souvent auparavant. J’avais pris l’habitude de m’asseoir sur le trottoir et de regarder passer les gens, les voitures…..je revivais un peu de mon passé, cela me faisait du bien. Ma mère, allez donc savoir pourquoi, m’appelait sans cesse pour me faire rentrer. Je ne comprenais pas, peut-être avait-elle besoin de parler…. L’acte qui suivit me permit de comprendre la raison pour laquelle ma mère voulait tant que je rentre. Elle savait ce qui allait se passer, elle savait ce que j’ignorais. C’était un samedi que je ne peux oublier, le 11 juin. Tout à coup, j’entends des coups de clacksons et je vois arriver des voitures à toute allure. Elles s’arrêtent à quelques mètres de moi. Il s’agit d’un mariage et je commence à comprendre pourquoi ma mère ne voulait pas que je reste dans la rue, devant la porte. C’est mon ex fiancée qui se marie. Cette fois, je rentre pour ne plus remettre le nez dehors. Je vais profiter pleinement de la présence de mes parents avant de repartir. Chaque repas sera différent. Ma maman s’applique à me préparer les petits plats que j’aime. Je me souviens de «ses» flans chauds qu’elle mettait à refroidir sur le rebord de la fenêtre. En cachette j’allais les déguster, c’était comme cela, chauds, que les aimais. Lorsqu’elle a découvert sa casserole vide, elle a prit un fou rire et m’a dit – Oh toi, tu n’as pas perdu tes mauvaises habitudes. Son fils était revenu, elle rayonnait de joie et moi aussi d’ailleurs, je la voyais tellement heureuse.

La veille de mon départ, une énorme surprise m’attendait. Je venais juste de terminer ma toilette, lorsque la sonnerie retentit. Je vais ouvrir, et, ô, stupéfaction, c’est le frère de ma fiancée, pardon, mon ex, qui est là, devant moi et qui, avec un petit signe du doigt qui veut dire «chut», m’invite à le suivre. Sans aucune hésitation, je lui enjambe le pas et l’instant d’après, nous laissons la rue principale pour longer sa maison par le côté. Il ne m’a pas fallu plus d’une seconde pour comprendre. Au lieu d’entrer par la grande porte, je suis introduit dans la cour située à l’arrière de la maison. En écrivant cet épisode douloureux, j’ai encore le coeur serré comme si je le revivais au moment présent. La porte se referme aussitôt et je vois apparaître mon ex fiancée à l’entrée d’un escalier qui conduit à la cave à charbon. Son frère n’est plus là, nous sommes seuls. Elle m’attire vers elle en pleurant. Je la serre fort contre moi, j’essuie ses larmes, nous nous regardons tendrement et je vois dans ce pesant silence ses yeux qui expriment son ressenti. Je lui fais un baiser sur la joue, ce sera le dernier, et sans me retourner, je repars tristement vers mon domicile à deux pas de là. Lorsque je franchis la porte d’entrée, je sais déjà que mon passé est derrière moi. Ma maman qui a entendu du bruit s’exclame – C’est toi Dédé, elle n’a même pas remarqué mon absence et c’est beaucoup mieux ainsi.

Mais, c’est bien connu, tout a une fin. Le jour du départ est arrivé et avec lui le moment des larmes.  Dès mon arrivée à Paul Robert, je me précipite dans la chambre d’Étienne qui me raconte en détail ce qui s’est réellement passé après mon départ. L’Adjudant Chef a fait l’appel dans la cour du PC, comme tous les matins. Lorsqu’il a prononcé mon nom, «DUMAS», Ferracci responsable de notre groupe trans, a répondu «DUMAS, présent, au chiffre». Il a pris un sacré risque mon ami Étienne. Dans la matinée, le certificat est arrivé et c’est Ferracci, encore lui, qui est allé le remettre à l’Adjudant-chef en prétextant que j’étais trop affecté par le décès de ma grand-mère, que je m’étais fait remplacé au Chiffre par Gatty et que j’étais allé me recoucher. Il a donc expliqué que dans l’état où je me trouvais je ne pouvais sortir de ma chambre. Dès lors, une permission lui a été remise pour moi et le juteux a pensé que je partais le lendemain avec le convoi d’Orléansville. Étienne a posté ma permission le même jour et le lendemain je la recevais chez moi.

Merci Étienne, toi, tu es un grand Chef. 

Dès mon retour de Nîmes, je m’installe au Chiffre avec Gatty et ensemble nous commençons dans notre nouvelle fonction. Mon ami Le Clanche est rentré chez lui dans le Morbihan, nous avons convenu que nous nous écririons, nous ne voulons pas nous perdre de vue il m’a promis de me donner de ses nouvelles. 

Ma vie à Paul Robert dans ce bureau ne sera plus jamais ce qu’elle a été. Le travail est tellement différent.

Nos amis graphistes, sont très proches de notre bureau Chiffres, seule, une minuscule cloison nous sépare.

JJ Rousseau 

L’ancien Jean Jacques Rousseau, devant son poste,

René Gevaert

Le nouveau René Gévaert 

Les anciens sont partis, les nouveaux assurent la relève. C’est par une petite ouverture dans la cloison que les graphistes nous donnent les messages cryptés que nous devrons décoder pour remettre au Commandant. Juillet arrive avec son 14 traditionnel. Le petit défilé est programmé et nos troupes présenteront les armes au monument aux morts qui a été inauguré quelques mois auparavant par le Commandant Picaud. C’est une première à Paul Robert. 

Photos de ce moment.

Le Commandant Picaud passant en revue les troupes

Commandant Picaud passant les troupes en revue

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La population était venue nombreuse à ce rendez-vous

revue d'effectif défilé 14 juillet 

revue d'effectif défilé 14 juillet 1960 

Sur la première photo noir et blanc,

on aperçoit Étienne Ferracci (X) et derrière lui, Finat.

La deuxième, devant le Monument aux Morts avec les harkis.  

Je voudrais pouvoir oublier bien vite ce mois d’août, triste quant à ces mauvaises nouvelles se rapportant aux combats de nos troupes.

Mais au bureau Chiffres, les messages codés ne sont guère réjouissants. Ténès, dont nous dépendons, nous communique souvent de mauvaises nouvelles faisant suite à de nombreuses embuscades obligeant nos troupes à se replier. Les renforts au 1/18° RA sont fréquemment demandés. Nos amis du commando sont épuisés. Nos pertes sont considérables. Plusieurs véhicules ont sauté sur des mines.

Jeep ayant sautée sur une mine  Jeep ayant sautée sur une mine.

Le départ des ambulances vers Orléanville est coutumier.     

Néanmoins, septembre 60 sera un grand mois, un mois inoubliable qui va voir arriver à Paul Robert un soldat qui est devenu bien vite mon ami et que j’appelle maintenant Mon frère mais aussi Fréro. D’ailleurs, en plaisantant, mais avec une très grande sincérité, je lui disais souvent «Toi, tu es plus qu’un frère, tu es un ami», pour lui montrer, s’il en était besoin, que l’amitié que j’avais pour lui était grande et qu’il arrivait parfois que deux frères ne puissent éprouver l’un pour l’autre ceux que nous, nous éprouvions réciproquement. 

Je vous ai déjà parlé de lui lorsque j’évoquais les pièces de théâtre auxquelles il participait mais les présentations seraient incomplètes si elles s’arrêtaient là. Je vais de ce pas vous faire découvrir mon frère. Un petit bonhomme, «Minssoulet», «Timidou» (au début seulement) qui venait de son Ch’Nord, département du Pas de Calais, de Béthune plus exactement. Un enfant des Corons. Si vous saviez comme il est mignon, agréable, gentil, sympathique et fidèle ce qui ne gâche rien,

un vrai ch’ti quoi…. JBB20 Ses premiers pas il les a fait aux transmissions comme radiophoniste. Il venait souvent voir les anciens pour demander quelques conseils.

Il est ici en compagnie de Bonnet, le graphiste  JBB50

Il pose devant l’entrée du PC  JBB60

Là devant le monument aux morts  JBB30

Son passage aux transmissions ne sera que de courte durée.

Nos chefs ont reconnu la valeur du Ch’ti et lui confient la responsabilité du standard en remplacement de Vérun André. JBB40

JBB 10 Le voilà installé dans sa nouvelle chambre. Il doit faire un courrier à sa chère Ma Jo pour lui annoncer sa nouvelle fonction

Jean et son transistor  Il aime la musique 

 JBB100  Il pose pour laisser un souvenir de son passage au standard

JBB80  Il invite ses amis dans sa chambre

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mais il va aussi bien volontiers chez nous, au Chiffre pour apprécier les bonnes frites que je lui prépare.

Il m’est souvent arrivé de fredonner les paroles d’une chanson en pensant à lui. Vous la connaissez tous, j’en suis sûr. Elle a eu tellement de succès au moment de sa sortie que vous ne pouvez pas l’ignorer. Il s’agit de «Mon frère» qu’interprète Maxime Le Forestier. Quel grand chanteur ! Voici quelques unes des paroles dont je me souviens encore.

Toi le frère que je n’ai jamais eu – Sais-tu si tu avais vécu – Ce que nous aurions fait ensemble – Un an après moi, tu serais né – Alors on ne se serait plus quittés – Comme des amis qui se ressemblent – On aurait appris l’argot par cœur – J’aurais été ton professeur – A mon école buissonnière – Sur qu’un jour on se serait battu – Pour peu qu’alors on ait connu – Ensemble la même première…….. Mais tu n’es pas là – Á qui la faute – Pas à mon père – Pas à ma mère – Tu aurais pu chanter cela…..Toi le frère que je n’ai jamais eu …… 

Mes amis Étienne, Joseph et Jean-Baptiste sont ceux auprès desquels je me sens le plus proche, ceux envers lesquels j’ai le plus d’affinité mais je dois préciser pour être complet que durant les 28 mois passés à Montpellier et à Paul Robert, j’ai eu beaucoup d’amis et je n’ai connu aucun différent important avec les militaires que j’ai côtoyés à de multiples reprises soit dans les divers services, soit pendant les missions que nous effectuions ensemble. Je me suis toujours bien entendu avec tous et d’ailleurs, notre accord était réciproque. 

Étienne, Joseph et Jean-Baptiste, mes frères, ont, comme je le disais, ma plus grande estime, ensemble nous partageons, bienveillance, protection, aide et amitié sincère. 

Comment cela s’explique-t-il ?  Je cherche en vain les atomes crochus qui ont fait naître tout naturellement en nous ces sentiments profonds, cet attachement, cette émotivité, cette affectivité, cette générosité, cette amitié. 

Avec Étienne, notre amitié a commencée à Montpellier.

Etienne  Nous avons fait nos classes ensemble et nous ne nous sommes plus quittés. J’ai évoqué à plusieurs reprises des souvenirs de notre passé qui ne trompent pas mais je ne vous ai jamais parlé de sa permission à Berre-L’étang. Fallait-il qu’il soit gentil, attentionné. Pendant cette permission, il s’est soustrait à sa famille afin d’aller à Nîmes chez mes parents pour leur donner des nouvelles du «Petit». Il se souvient encore de mon papa qui l’avait reçu ce jour là. 

Avec Joseph, Jo Le Clanche (il portait le prénom de mon grand-père) vous le savez, je l’ai déjà souvent invoqué, il est devenu mon ami dès mon arrivée aux transmissions. C’est d’ailleurs cette amitié qui a fait que nous nous sommes retrouvés au bureau Chiffre pour travailler ensemble. Tous les jours, pendant des heures j’ai pu l’apprécier et savoir qui il était vraiment. Un homme appliqué, gentil, compréhensif, travailleur, un homme qui m’a donné son savoir faire et qui est devenu bien vite l’ami que je vous ai déjà présenté. 

Jean-Baptiste, JBB 900 plus qu’un ami, un frère, le frèro comme je l’appelle parfois. Tout a commencé dès son arrivée à Paul Robert. Il est, comme moi, affecté aux transmissions et devient tout de suite radiophoniste. Je le revois encore descendre de sa tour, (le poulailler) venir au Chiffre, pour demander conseils quant aux messages qu’il venait de recevoir. C’était pour une commande de canettes, il n’était pas habitué, c’était sa première. J’ai laissé mon activité, je suis allé avec lui à la tour et je lui ai expliqué quelques petits détails qui lui échappaient. Dès lors, tout allait bien fonctionner par la suite. Il comprenait vite le petit ch’ti. Plus tard, il prendra comme un grand, la responsabilité du standard. C’est un homme capable, compétent, apte à travailler dans tous les postes, pas prétentieux, sans orgueil, calme à condition qu’on ne l’énerve pas, il est gentil et souriant, c’est un bon vivant et un fidèle en amitié. Cela n’étonnera personne s’il est devenu bien vite mon ami. 

Pour clore ce chapitre sur l’amitié, j’ai pensé que je devais vous faire partager ces deux proverbes que j’affectionne particulièrement : 

«C’est dans le malheur que l’on reconnaît son véritable ami» 

«Un vieil ami est le plus fidèle des miroirs» 

Comme cela arrive assez souvent, je viens de prendre connaissance du message que m’a adressé Pierre Cordier. Il est allé lire mon blog et prend un premier contact. Nous devenons tout de suite de bons copains, un peu comme si nous avions vécu les mêmes misères durant notre séjour. On se téléphone, on échange des mails et après plusieurs demandes,  Pierre me fait enfin parvenir une première photo prise à Paul Robert en 59.

Cordier  Le voici souriant même si cela n’a pas été toujours le cas.

Et puis, dans un long message, il me raconte sans équivoque mais avec beaucoup de pudeur, ce qu’il ressent de son passé. Je vous donne lecture d’une partie de ses souvenirs.

Pour te faire une confidence, depuis mon retour d’Algérie, je n’ai jamais parlé de cette période à quiconque. J’ai essayé d’occulter de ma vie ce passé. Vingt huit mois de la meilleure partie d’une vie. Lorsque j’étais en France en permission (la seule durant les 24 mois d’Algérie) j’ai trouvé des gens qui s’amusaient, qui vivaient, des gens pour qui la guerre d’Algérie était des choses lointaines, des choses qui ne les concernaient pas. Je me suis replié sur moi-même mais souvent je me réveille la nuit en panique et cela fait plus de cinquante ans que ça dure. Je crois que tu es la première personne à qui j’en parle. C’est idiot. Changeons de sujet. 

Tu ne peux savoir, mon ami Pierre à quel point je te comprends. Je suis moi même dans une situation presque analogue, enfin, je devrais dire j’étais….. car il y a quelques mois, j’ai commencé à écrire mon épopée en Algérie. Je pensais que je ne pourrais pas aller très loin dans mes écrits mais je me suis pris au jeu et j’ai fini par comprendre que c’est en évacuant ce passé que je serais mieux. Depuis, je prends beaucoup de plaisir à raconter mon histoire telle que je l’ai vécue. Tu sais, ça fait du bien de vider son «sac», ce lourd fardeau que nous portons tous. Allez Pierre courage, je suis, nous sommes tous avec toi. Si tu as un jour envie de parler, fais appel à nous, nous serons à ton écoute.

Je viens de faire une nouvelle retrouvaille, il s’agit de Jack Boland, il est allé sur mon blog et c’est Marcelle alias Célou, son épouse qui a pris, si l’on peut dire, la plume la première.

Mon mari, comme vous, était à Paul Robert de 57 à Mars 59, en tant qu’appelé, au 18e R.A. Il a, d’ailleurs, en 2005, édité un livre « L’Algérie… à en mourir » dans lequel il relate ces 28 mois passés, dont plus d’un an en tant que démineur. Nous avons retrouvé, dans votre blog, les fameuses fêtes de fin d’année auxquelles il a participé activement à cette époque, en tant que comédien amateur. Nous possédons bon nombre de photos de ces représentations. En cas d’intérêt, contactez-nous, nous serons heureux de vous apporter des compléments d’information.

Voilà, un premier contact était pris, il y en a eu bien d’autres. Nous avons échangé des photos d’hier et d’aujourd’hui afin de mieux nous connaître. Jack a eu la gentillesse de m’offrir son livre «L’Algérie… à en mourir» que j’ai lu avec grand plaisir tellement il retrace sa vie là-bas avec une grande application et aussi une précision exemplaire. Merci Jack.

Il souhaite retrouver des photos du Capitaine Vigouroux, si vous êtes en possession de documents le concernant, je me ferais un plaisir de lui transmettre ou de vous mettre en contact avec lui.

Allez prendre connaissance de ces commentaires qui figurent dans la page «Vos commentaires», ainsi vous le connaîtrez mieux.

Ici quelques photos qu’il a bien voulu me transférer sur ma boite mail.

Boland 3  Boland 2

Avec ses amis du contingent

Boland 1Boland 4

Boland 5  Les fêtes de Noël 

Jack Boland a écrit plusieurs ouvrages que vous pouvez consulter sur le site «AMAZON LIVRES». Pour les découvrir, il faut aller dans «Recherche détaillée» et taper ses nom et prénom dans la case «Auteur».

Les jours se suivent et se ressemblent. En consultant les petites annonces sur le net comme je le fais souvent, je me suis arrêté sur une qui a retenue toute mon attention.

Je recherche des anciens du 18 ème RA basé à PAUL ROBERT. Ma compagnie était basé à EL MARSA. Mon poste se trouvait au Guelta avec DESCUS, BECLIN, KOVALSKI, etc…au cessez le feu (mars à juillet 1962) j’ai été enrôlé dans la 480 ème UFL à Notre Dame d’AFRIQUE à Alger.  

Il s’agit de Michel MAS Mas Michel que vous reconnaissez peut-être. Si vous avez des informations à lui transmettre concernant cette annonce, veuillez me contacter en laissant un commentaire sur mon blog.

Il faut aussi que je vous parle du Brigadier Chef Jean Mouthon. jm2  Il apparaît ici dans toute sa splendeur vêtu de son beau treillis retaillé gratos par Cohen. 

Encore une belle retrouvaille. Lorsque pour la première fois, j’ai pris contact avec lui, nous avons aussitôt évoqué nos fonctions réciproques. Lui, travaillait à la Cartographie dans un bureau au premier étage du Poste de Commandement. jm3 Regardez comme il a l’air studieux, appliqué, attentionné, concentré, absorbé par son travail. Il aime dire, en plaisantant bien sûr, qu’il était responsable de ce service et il ajoute, j’étais seul dans ce bureau. jm1 Il est facile de comprendre qu’être Chef d’un tel bureau, est un grand honneur.  Vous faites sans doute comme moi un rapprochement qui s’impose. Nous étions dans la même cour, lui au premier étage, moi au rez de chaussée. Comment aurions-nous pu ne pas nous connaître. Lorsque je lui parle de Joseph Le Clanche, il se souvient parfaitement de lui à tel point qu’il se rappelle une profonde marque sur son front qui laissait à penser qu’il avait gardé les traces d’un coup qu’il aurait reçu dans son enfance. Il se souvient aussi qu’il habitait à Kerguinoret sur la commune de Crach 56950 dans le Morbihan. Quelle mémoire. Si j’avais retrouvé Jean Mouthon avant, bien avant, j’aurais évité des recherches fastidieuses, longues, difficiles et une perte de temps importante. Je vais encore vous surprendre. Jean veut me montrer qu’il se souvient de moi, il m’écrit « Quant à toi, j’ai en mémoire qu’à tes heures de loisirs, tu confectionnais des scoubidous ». Il est vrai que j’en ai fait beaucoup et pour tous ceux qui étaient aux transmissions. Tu as une bonne mémoire Brigadier Chef.

Mais je dois à mon tour vous faire une révélation. Jean Mouthon ne faisait pas uniquement de la cartographie, il savait aussi danser et séduire les filles du village. Ici, nous le surprenons avec Mademoiselle Annie Poisson jm4 Il se souviendra longtemps de ses retrouvailles après le bal lorsqu’il a retrouvé ses copains. Il croyait que personne ne l’avait vu, il se trompait. Et voila que dès son retour, les copains entonnent :

« Alors, raconte-nous, ce qui est arrivé, comment ça c’est passé, pendant qu’on t’attendait là.

Alors, tu ne dis rien, pourtant tu pourrais bien, penser à tes copains, parler du rendez-vous, qu’elle t’avait donné….. ».

Plus surprenant encore. Sachant qu’il est plus ancien que moi, je suppose qu’il était à Paul Robert au mois d’avril 1959 lorsque le MDL Chef Paul Bognon a trouvé la mort à Aïn Serdoun lors d’une mission. (Il s’agit de cette embuscade dont j’ai déjà parlé) Je lui demande s’il se souvient de cet épisode douloureux, il me répond par l’affirmative. Il se rappelle de Paul Bognon et de cette tragique nuit. Je lui parle des recherches qu’effectue Jacqueline Bognon, la fille de Paul, pour retrouver des militaires qui auraient connu son papa. Il accepte tout de suite de l’aider. J’ai appris plus tard par Jacqueline qu’elle avait eu un premier contact avec Jean Mouthon et qu’ils avaient ensemble décidé de se rencontrer pour échanger des souvenirs et relater ce qu’il savait sur la mort de son papa. Il est vrai que seulement quelques kilomètres les séparent. 

Mais revenons à Paul Robert, je me suis éloigné, le lecteur voudra bien me pardonner.

Je suis de garde au bureau chiffre, Gatty en profite pour aller se détendre au foyer. Il a passé une nuit mouvementée. Nous avons été réveillé à plusieurs reprises pour décoder, déchiffrer des messages urgents et top secrets adressés au Commandant Picaud. 

Je me souviens, c’était tout à fait au début de mon inscription aux Copains d’Avant, j’avais retrouvé René Gevaert qui était graphiste. Il me disait qu’il se souvenait de mon mauvais caractère lorsqu’il me réveillait la nuit pour me remettre un message. Quelle référence, j’ai l’air de quoi, moi. 

Le téléphone vient de sonner, je dois vous raconter une petite, toute petite anecdote. Les fils ont dû s’emmêler car la douce voix que j’entendais voulait me vendre des Clémentines. Pensant qu’elle faisait erreur, je lui ai demandé si elle voulait entrer en contact avec le Mess des Officiers. « Non, Non » m’a-t-elle répondu, « Je veux parler de mes Clémentines avec vous ». Allez comprendre… D’après vous, j’ai fait quoi devant cette situation inattendue. Je vous le donne en mille…. 

J’ai pris mon stylo, j’ai glissé une feuille vierge sous mon poignet et j’ai dit à la douce voix : « Je vous écoute ». 

Elle devait me prendre pour un commerçant, un grossiste, elle voulait vendre son produit et voilà qu’elle me donne une information complète sur ce fruit auquel j’étais loin de penser.

Savait-elle seulement que j’étais militaire basé à Paul Robert, nul ne le saura jamais. 

J’apprends que  la Clémentine Clémentines  est née en Algérie autour de 1920, et qu’elle doit son nom au Directeur d’un orphelinat de la région d’Oran. Je crois me souvenir qu’il s’agit du père Clément, qui aurait eu l’idée de croiser un mandarinier avec une orange douce. Là, vous comprenez que j’ai bien fait de prendre mon stylo et mon papier. Le fruit ainsi créé est un hybride et cela explique que la Clémentine soit presque dépourvue de pépins. Le père Clément a eu une brillante idée, car, dit-elle, la Clémentine a une popularité plus grande que la Mandarine, elle est plus facile à peler, elle est moins acide et sa chair est dépourvue de pépins ce qui en fait la favorite des petits écoliers. J’en apprends des choses. Il paraît qu’elle est surtout cultivée au Maroc, en Algérie et en Espagne. 

Après les Clémentines, rondes et pacifiques, nous sommes confrontés à la réalité du moment. Des événements que nous ne pouvons passer sous silence. Il s’agit des combats des militaires à Alger.  Mais quels militaires… Les insurgés devrais-je dire. Même en Algérie, même au fin fond d’un djebel peu connu, les nouvelles chez la «Grande Muette» se propagent à la vitesse grand V. Connaissez-vous un soldat, ne possédant pas un petit poste radio, (le transistor). Quel est celui qui n’écoute jamais les nouvelles, les informations les plus récentes. Je n’insiste pas, vous avez la réponse.

 Transistor Et c’est ainsi que très rapidement, à Paul Robert, nous sommes informés de ce qui se passe à Alger. Le putsch d’avril 61…. qui n’en a pas un jour entendu parler… Permettez-moi un peu d’histoire, plus de 50 ans se sont écoulés depuis.

Le 4 juin 1958, le Général de Gaulle  De Gaulle à Alger  prononce à Alger ce que tout le monde appelle «Sa fameuse déclaration» et le «Française, Français, je vous ai compris»  Que personne aujourd’hui n’a oublié. Ce jour là, l’enthousiasme des Pieds-noirs est à son comble mais la réjouissance la plus importante reste à venir. Deux jours plus tard à Mostaganem ils l’entendent s’écrier: «Vive l’Algérie française ! Vive la République ! Vive la France!» Que demander de plus… Que demande le peuple d’Algérie…

Mais les partisans de l’intégration, militaires ou civils, vont bientôt s’estimer floués par l’homme qu’ils se flattent d’avoir installé au pouvoir. 

Le 16 septembre 1959, le même Général De Gaulle garantit «Le droit des Algériens à l’autodétermination» et peu après, en janvier 1960, ses anciens partisans Pieds-noirs s’insurgent à Alger au cours de la semaine des barricades.  

Les barricades à Alger

Rappelons les faits. Que fut cette semaine de violence.

A l’époque le Général Massu  Général Massu 1  occupe de très hautes fonctions en Algérie. Lors d’une entrevue, il émet des critiques contre la politique algérienne du Président De Gaulle qui le rappelle aussitôt à Paris.

Cette décision est suivie par une flambée de violence.

Pierre Lagaillarde, Pierre La gaillarde député d’Alger-ville,

un ultranationaliste français, dirige les colons européens qui s’insurgent contre le pouvoir en place. 

Photos barricades 2 Photo barricade 1 Le 24 janvier 1960, ils prennent Alger d’assaut. L’état de siège est déclaré par le Général Maurice Challe, Commandant suprême d’Algérie. Le lendemain, De Gaulle condamne le soulèvement. Les insurgés, massés derrière des barricades, prennent le contrôle d’Alger le 28 janvier. Mais, comme on pouvait le prévoir, le mouvement s’essouffle. Le 1er février, le soulèvement s’effondre. Les contestataires se rendent et leurs principaux leaders sont envoyés en prison à Paris. En France, De Gaulle réaffirme sa position sur le droit à l’autodétermination de l’Algérie. Les 2 et 3 février, l’Assemblée Nationale française, lors d’une session extraordinaire, lui accorde même des pouvoirs spéciaux qui lui permettront de gouverner par décrets pendant un an. Ses opposants continueront toutefois le combat, notamment au sein de l’Organisation Armée secrète (OAS), qui aura recours à la violence à partir de 1961. Puis vient le 14 juin 1960, le président de la République fait un pas de plus et annonce une «Algérie algérienne liée à la France». Et, le 4 novembre 1960, il évoque une Algérie qui aura son gouvernement, ses institutions et ses lois. Cette politique est approuvée en métropole par 75 % des votants lors du référendum du 8 janvier 1961. 

C’en est trop ! Quelques-unes des plus hautes figures de l’armée française décident de préparer un putsch.

Le fameux putsch dont je parle ci-dessus.

C’est le coup d’Etat à Alger. 

 Les 4 généraux

putsch

Dans la nuit du vendredi 21 avril 1961, le 1er REP (Régiment étranger de parachutistes) sous les ordres

d’Hélie Denoix de Saint-Marc Saint-Marc s’empare, à Alger, du Gouvernement Général , de l’hôtel de ville, de l’aéroport … De mémoire d’appelé, je crois me souvenir que la ville passe aux mains des putschistes en 3 heures. 

Samedi 22 avril, les Algérois sont réveillés à 7 heures, par un message lu à la radio: «L’armée a pris le contrôle de l’Algérie…» 

Les trois généraux rebelles, Maurice Challe, Challe 

Edmond Jouhaud, Jouhaud 

et André Zeller, Zeller  en accord avec les Colonels Godart, Argoud et Lacheroy, font arrêter le délégué général

du gouvernement, Jean Morin, morin le ministre des transports, Robert Buron, qui se trouvait en voyage, et un certain nombre d’autorités civiles et militaires. 

L’ancien commandant en chef peut compter sur quelques régiments qui se mettent sous ses ordres, mais les ralliements se font attendre. 

A Paris, la police arrête dans la matinée le Général Jacques Faure, six autres officiers et quelques civils. 

Un conseil des ministres extraordinaire se tient à 17 heures : L’état d’urgence est décrété. Les partis de gauche et les syndicats, la Ligue des droits de l’Homme, appellent à manifester contre le coup de force d’Alger.

Vers 19h, le Général Challe s’exprime à la radio d’Alger pour dire qu’il est à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud, et en liaison avec le Général Salan. 

Le dimanche 23 avril, le Général Salan  Salam  arrive d’Espagne.

Personne dans le pays ne le savait. La radio aurait-elle omis de nous donner cette information 

Nous savons que le Général De Gaulle doit parler à la télévision. Le commentaire sera aussi présenté à la radio.

À 20 heures nous sommes tous à l’écoute. On nous informe qu’un pouvoir insurrectionnel s’est installé en Algérie. Il s’agit d’un quarteron de Généraux en retraite.

Au nom de la France, dit-il, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer la route de ces hommes-là, en attendant de les réduire. J’interdis à tout Français et, d’abord, à tout soldat d’exécuter aucun de leurs ordres et il conclut: 

«Françaises, Français, aidez-moi !»  

Cinq cent mille gaillards munis de transistors, ont entendu cet appel à la désobéissance légitime. Les appelés réclament de leurs chefs qu’ils prennent position pour Paris, et ils refusent d’exécuter leurs ordres. 

Quand je vous disais que nous écoutions la radio, JBB70 s’était peu dire car j’évoquais les habitudes de chacun d’entre-nous. Lorsque la nouvelle du putsch est connue à Paul Robert, tous les téléphones dans tous les services sont en alerte. 

J’ai encore en mémoire l’appel au standard de ce MDL Chef, qui, je l’espère voudra bien me pardonner, son nom m’échappe, pourtant il mériterait d’être connu. Un matin, très tôt, alors qu’il venait d’avoir connaissance des événements d’Alger, il appelle Jean-Baptiste, 

responsable du standard. JBB40 et lui demande de téléphoner dans tous les services et de demander à tous de se rassembler sur la place sous les fenêtres du Commandant.

4 monument aux morts En haut et à gauche on distingue l’angle de la grande bâtisse occupée par le Poste de Commandement. Les fenêtres qui surplombent la rue sont celles du Commandant. A l’époque, il s’agissait du Commandant Chtourn. En quelques minutes, tous les soldats présents ce jour là à Paul Robert, sont rassemblés et le MDL Chef commence son discours qui n’a qu’un seul but, celui de nous informer et de nous donner son point de vue sur les incidents d’Alger. 

Le Commandant, prévenu de cette démarche, ouvre ses fenêtres et demande au MDL Chef d’aller le voir. Nous resterons tous en place pour attendre qu’il revienne. A son retour, il nous déclare avoir demandé au Commandant de lui préciser sa position militaire quant au putsch d’Alger. Il obtient de lui l’assurance qu’il est contre ce qui se passe actuellement et qu’il reste fidèle au Général De Gaulle.

Nous nous séparons et rejoignons tous nos services. Ma pensée à ce moment là va vers cet appelé. Qui aurait fait cela s’il avait été en mission, absent de Paul Robert. A-t-il pensé aux risques qu’il prenait en se lançant dans cette folle démarche. N’était-il pas un peu trop seul… 

Plus que jamais, nous avons tous l’oreille collée à notre transistor.  Le mardi 25 avril, les Généraux putschistes seront acclamés pour la toute dernière fois car le mercredi 26 avril, ils constatent leur échec.

L’armée n’a pas basculé et, ils ont bien compris, qu’elle ne basculera pas. Les insurgés se retirent avec le 1er REP. Hélie Denoix de Saint Marc se constitue prisonnier. Le Général Challe se rend aux autorités, il est aussitôt transféré en métropole. 

Qu’aurions-nous fait, qu’aurions-nous su sans notre petite radio. On ne pourra jamais dire qu’elle nous a aidé à gagner la guerre mais elle a tout de même largement contribué à nous garder sur la bonne trajectoire. 

C’est alors que quelques partisans de l’Algérie française entreront dans l’action clandestine de l’Organisation Armée Secrète, (OAS) pour poursuivre la lutte contre la politique algérienne du Général de Gaulle. C’est Salan et Jouhaud qui prennent la tête de cette organisation avec Jean-Jacques Susini. susini Homme politique français d’origine corse né le 30 juillet 1933 à Alger, en Algérie, il est le fondateur historique de l’OAS. 

Mais malgré l’OAS, la voie était ouverte au Général de Gaulle pour le désengagement de la France en Algérie. 

Après ces événements, je n’ai pas souvenance de faits bien précis. Les jours s’écoulent lentement et plutôt calmement. Nous avançons sans trop d’incidents vers la fête qui célébrera nos cent jours restant à passer à Paul Robert. 

Aujourd’hui, je découvre dans ma messagerie un mail dont je ne connais pas la provenance. Tiens, tiens, tiens ! Qui cela peut-il bien être ? Habituellement, lorsque je ne connais pas l’expéditeur, je supprime. Allez donc savoir pourquoi j’hésite et finalement, j’ouvre ce message. Mon intuition était bonne. Il s’agit d’un ancien de la 17 ème BTA,

le Sergent Philippe Comtat. Comtat  Les tirailleurs sont coiffés du chèche et portent sous le ceinturon une ceinture de flanelle rouge.

Il avait lu une de mes nombreuses annonces et venait à mon secours pour m’aider à retrouver des amis de Paul Robert. Il a, par ses informations, facilité mes recherches. Vous pourrez retrouver dans la page « commentaires », quelques unes de ses péripéties vécues lors de son service militaire à Blida.

blida la ville entourée d’orangeraies et de rosiers était appelée « Ourida » ce qui signifie «La petite rose.» On l’appelle aussi «La ville des roses», située dans la verdoyante Mitidja. Les rosiers qui fleurissent embaument la ville.   

Puis, vint ce jour tant attendu, Le Père Cent. Quel militaire n’en a pas un jour rêvé…

Nous l’avons préparé avec attention, application, et vigilance. Les transmissions, ont d’abord fait la fête entre eux.

Père cent 2

Père cent 3

Vous remarquerez que nous avions invités pour la circonstance nos responsables gradés qui s’étaient joint à la fête sans aucune hésitation.  Il y a là les Adjudants Chefs responsables des transmissions et du PC.

Quand la fête est terminée, elle recommence pour quelques énergumènes qui ont planqué quelques bouteilles et qui ont

gardé jalousement des pâtisseries qu’ils voulaient déguster entre bons copains. Père cent 1

Photo ci-dessus, on reconnaît de gauche à droite, Delgéhière – Dumas – Ferracci – Bonnet et Manson. 

Au milieu notre Grande Amie La Quille.  

Père 3  

Debout de Gauche à Droite : X – Ferracci et Bonnet – Assis de Gauche à Droite : X – Gelb – Dumas – X et X.

Père 2

Je reconnais debout à Gauche, Dumas qui lève son verre, au centre Ferracci qui tient la bouteille que lui envie Bonnet au dessus.

Assis, Gelb, au premier plan, et en bas et droite Delgéhière.

Père Cent 21

Sur cette photo, je ne me souviens que mon ami Gelb, le niçois, en bas à gauche.

Père 1

De dos, sur la table, Dumas – de Gauche à Droite : X et X, Gelb caché par la main, X, Ferracci et X.

Quelques jours plus tard, c’est le Grand Jour, le Jour tant attendu, le Jour vrai, celui qui nous sépare de Cent Jours de notre libération. Celui là, il est spécial et il ne se fête qu’avec les gars de la classe 59 – 1/B.

Le COMTE JEAN PERCENT a ses titres de noblesse, il ne faut pas le déranger mais comme nous sommes prévoyants, sait-on jamais, nous avons installé, dans la grande salle où nous devons nous réunir, un téléphone avec un numéro spécial (ankor 100 é 11 bar) au cas où l’on voudrait nous joindre en urgence.

Pour l’occasion, nous avions fait le plein, pas un seul ne s’était fait tirer l’oreille pour aller au rendez-vous. A l’appel, celui que nous avions fait pour rire, nous avons compté 40 fois « Présent » et chaque fois dans un fou rire qui faisait penser que nous devions être plus de cent. Tiens, cent, pourquoi, cent ? Allez savoir, même les mots ont parfois leur hasard.

J’ai ici un très grand plaisir, un énorme, un immense plaisir à citer les noms de mes amis de la 59 – 1/B. Ils ont tous tellement mérité une petite, toute petite place dans ces pages. Ce serait une avanie que de ne pas vous les présenter. Ils ont tant fait chacun de leur côté pour servir la France.

Le dira-t-on jamais assez…

BALDI : Le tango corse  

BENOIT : L’enfant de la balle  

BONNET : Tout doux, tout doucement 

BRINGER : Quand le bâtiment va 

BUCOURT : Le ballet des cœurs  

CAUVIN : Le peintre en bâtiment 

DELAHALLE : Des pommes, des poires et des scoubidous-bidous 

DOUCET : La petite dactylo  

DUMAS : Babylone 21-29 j’voudrais parler à Brigitte  

FERRACCI : Ajaccio, (avec l’accent SVP) 

FERRANDON : L’hirondelle des Faubourgs 

FINAT : Fleur des Alpes 

GRANDORDY : Je t’attendrai à la porte du garage  

GROS : Seize tonnes 

GUERIN : Les truands 

GUIRINOVITCH : Un vrai, un dur, un tatoué  

HAMMOUDI : Fais-moi du couscous chérie 

HERMENTIER : Tu parles trop 

LECA : Fatigué de naissance 

LAHOUSSE : La java ch’timi  

LEGUAY : Les lavandières du Portugal  

MAGOT : Compte tes sous 

MAGNY : Mon petit voyou  

MAINDRON : L’anarchiste - 

MANCON : Les mirettes  

MALAVIEILLE : L’homme à la voiture  

MARCHETI : Le paradis sur terre 

MARTINO : Mangez du pain 

MAURY : Maigrir 

MICHEL : Le chiffonnier de la Bastille  

MOCHOLI PUERTO : Dans le canon de son fusil 

MOULINIER : Ma petite folie -ORI : Oh ! Corse jolie 

PELISSIER : Par les monts et les plaines 

ROMANACCE : Je ne suis pas bien portant 

ROTGER : L’exilé - THOMAS : Ça gaze 

TALANSIER : Monsieur l’Baron 

TISSOT : Tête de linotte 

VIGNOGNE : Pan dans le mille.

Père cent 103

Père cent 102

Père Cent 100

Père cent 101

Sur ces quatre photos vous pouvez retrouver les 40 de la 59-1B

Il y avait parmi nous un compositeur dont je ne me souviens plus le nom.

C’est lui qui avait écrit pour la circonstance ces quelques lignes que nous chantions ce jour là. 

Le refrain de notre chanson : 

Artilleur mon cher frère, à ta santé buvons un verre, et répétons ce gai refrain : 

Vive les artilleurs, les femmes et le bon vin. 

Un jour de mai joli, un papier m’a appris, que je devais partir préparer mon avenir. 

Ton avenir, m’a-t-on dit, c’est d’sauver l’Algérie et moi,

Comme un Bon Dieu, je suis parti joyeux.

Pendant 28 longs mois de vie au garde à vous,

Je pensais que je deviendrais fou mais les jours ont passé,

C’percent qui est arrivé. 

Percent toi qu’on aime tant, on t’enterre, on t’enterre. 

Percent toi qu’on aime tant, on t’enterre à présent. 

La levée du corps aura lieu en la Chapelle Sainte Biture. 

Ni fleur, ni couronne, laissez vos sous venir, telle est notre devise. 

Après ce passage ô combien joyeux, nous avons, chacun de notre côté, repris nos activités respectives.

J’ai eu l’occasion de rencontrer au foyer mes amis provençaux réunis devant une canette de bière. Tous émettaient l’idée de faire ensemble une photo souvenir de notre passage dans ce petit village du Haut Dahra.

Les provenciaux 1

 Debout, de gauche à droite : Talencier, Dumas, Pelissier. Accroupis de gauche à droite : Bonnet, Grandordy, Tissot.

Les provenciaux 2

De gauche à droite ; Bonnet, Tissot, Talencier, Pélissier, Grandordy, Dumas.

Les provenciaux 3

Quelques unes de nos photos ont paru dans un journal régional de Marseille, oui, Marseille, vous avez bien lu, Marseille, rien que ça, comme ils disent là-bas. Vous les reconnaissez sans doute, debout : Bonnet, Grandordy et Tissot, accroupis : Dumas, Talencier et Pelissier.

Au mois de juillet 1961, Bonnet et moi avons l’agréable surprise d’apprendre que nous venons d’obtenir une 72 heures. Quelle aubaine, dites donc. Qu’allons-nous faire de ces 72 heures de permission. Réfléchissons bien! 

Rester à Paul Robert pour buller, pas question. Aller à Orléansville, pourquoi pas, mais nous connaissons bien la ville, nous y sommes venus très souvent. Une idée me passe par la tête. Je vais écrire à mon ami Guy lui est libéré de ses obligations militaires depuis quelque mois. Il m’a souvent parlé de son frère Max qui réside à Oran où il travaille à la Poste dans un service de télécommunication ou quelque chose comme ça, c’est si loin. Nous établissons le contact et aussitôt dit, aussitôt fait, nous programmons la ville d’Oran qui sera notre étape durant toute cette permission, puisque Max et sa gentille épouse veulent bien nous recevoir.

Comme nous l’avons souvent fait, nous nous présentons le matin tôt au départ du convoi qui va nous conduire à Orléansville.

A la gare Gare d'Orléansville  nous prendrons le train pour nous évader vers Oran, cette ville que nous ne connaissons que de nom. Coïncidence ou pas, je trouve que ce choix est le meilleur que nous puissions faire. Et me voilà parti vers d’autres cieux. Je me souviens brusquement que ma maman m’avait révélé un jour qu’elle était née à Oran lors d’un bref passage de papé Joseph et de mamé Françoise qui voulaient aller à Mostaganem pour rendre visite au frère de mamé. Ces retrouvailles avec le passé ne sont-elles pas un petit signe du destin … Oran serait-elle la destinée que j’ignorais… Qui m’aurait dit un jour que je visiterais la ville où ma maman avait vu le jour. Que le monde est petit. Comme elle va être contente lorsque je vais lui parler de sa ville natale. Tiens, je vais lui envoyer une carte postale, elle va croire que je viens d’être muté.  

Nous arrivons en gare d’Oran  La gare d'Oran 1  et nous sommes tout de suite stoppés par la police militaire qui contrôle nos papiers et qui vérifie notre permission. Heureusement que je n’ai pas eu ce contrôle à Alger lorsque je me suis barré en fausse.  Premier objectif, trouver l’adresse de Max. On prend un bus qui nous conduit vers le centre de la ville. Comme c’est beau, il nous semble qu’ici rien n’est pareil qu’ailleurs. Lorsque le car nous dépose, la distance qui nous reste à parcourir est encore grande et nous devrons à plusieurs reprises nous renseigner pour ne pas nous égarer. Nous marchons, longtemps, longtemps et nous finissons par emprunter un dédale de petites rues pour arriver enfin à destination. 

Nous sommes accueillis dans la belle famille de Max qui nous invite à prendre notre premier repas. Nous venons pour visiter et nos hôtes qui connaissent bien la ville nous conseillent quant aux découvertes que nous devons faire. Dommage que nous n’ayons pas eu une 720. Un petit zéro de plus nous aurait enchantés. Tant pis, nous ferons avec les moyens du bord. 

Il y a parfois, des projets que nous ne pouvons expliquer, c’est aujourd’hui le cas. Le port est l’objectif dont nous allons faire une priorité, pourquoi, nous ne le savons pas et lorsque nous disons à nos amis que nous voulons voir le port d’Oran, ils sont comme ébahis et après quelques secondes d’étonnement, ils éclatent de rire.

- Mais que voulez-vous allez faire au port ?

Nous restons muets ne sachant donner une explication plausible à notre requête. 

Max nous explique tout de même que nous serions bien inspirés si nous allions aussi vers le centre de la ville voir les grandes Avenues, Seguin et Clémenceau pour ne parler que de celles là mais ajoute-t-il, il y a bien plus que cela à voir à Oran. Il nous conseille d’aller voir la Rade, et ensuite, la place de la Bastille pour voir la Poste où il travaille. Il fini en nous expliquant l’itinéraire le plus simple pour aller au Port. Voilà c’est parti pour la visite.

Nous arrivons enfin et notre surprise est grande devant cette immensité.

Oran le port 2

Nous prenons conscience enfin que nous n’en ferons jamais le tour en si peu de temps. 

 Oran 1

Nous apercevons au loin Le Ville d’Oran sous l’œil bienveillant de N.D de Santa Cruz.

Le bateau que nous apercevons me rend tout à coup nostalgique. Si seulement nous pouvions embarquer pour la France. Peut-être n’aurions-nous jamais dû venir ici… Et si nous n’ étions pas là par hasard, et si notre subconscient nous avait entraîné ici. J’en suis maintenant sûr, notre subliminal s’est substitué à nous, il a compris nos messages et nous a conduit là d’après les images mentales que nous lui avons fourni.

L'Hôtel des Postes Oran 

L’Hôtel des Postes

C’est vraiment un beau bâtiment. Nous allons poursuivre notre visite en flânant sur les boulevards, les avenues et on va même arriver à oublier Paul Robert et nos amis.

Avenue  Loubet, au fond, le monument aux morts

L’Avenue Loubet, au fond, le Monument aux Morts.

Boulevard Clémenceau ex Seguin 1

Boulevard Clémenceau

La rade d'Oran

La Rade d’Oran

Tout cela nous le devons à ce dépaysement soudain et aussi à l’accueil chaleureux que nous avons reçu dès notre arrivée. Et puis, fatigués par nos marches successives et la chaleur étouffante qui règne tout autour de nous, nous finissons par céder à la tentation.

A Oran

Une terrasse nous tend les bras. Deux sièges vides devant une table ronde nous attirent, il n’en fallait pas davantage pour que nous prenions place et que nous nous fassions servir une bonne petite bière comme nous n’en avions pas goûté depuis bien longtemps. J’ai l’impression que tout est trop beau et que tout cela ne doit venir que de mon imaginaire. Un photographe me sort de mes pensées. Raymond qui ne dort pas encore, me donne un coup de coude. Redresse-toi, il s’agit de la photo souvenir. Quand je vais montrer ça à maman, ça va lui faire un choc.  Nous passerons deux nuits chez Max qui nous a réservé sa chambre d’amis. Au petit matin, son épouse nous sert le petit déjeuner, son mari est déjà parti travailler. Nous allons poursuivre notre visite et puis sans nous retourner vers ce passé récent, nous irons à la gare reprendre ce train qui nous emmènera vers le point de départ. Que cette permission est courte.

Orléansville que nous voyons habituellement avec émerveillement, nous paraît bien fade aujourd’hui. Nos amis à Paul Robert nous accueillent avec cet esprit amical qui règne au 18ème RA depuis notre arrivée. Le seul qui nous fait la tête (j’avais envie d’écrire «la gueule» c’est mon ami, pardon, mon frère, il est très mécontent. Avant notre départ, il était parti en permission à Béthune et sa maman lui avait préparé de bons petits pigeons qu’il avait religieusement gardés pour les savourer avec ses amis à Paul Robert. A son retour, il apprend que nous sommes à Oran pour 72 heures. Il paraît qu’il était très triste, très déçu. Il est comme cela le petit ch’timi et nous ne pourrons pas le changer. Il pense toujours aux autres avant de penser à lui. 

Les jours qui suivent nous conduisent à faire dans le village de la prospection, services après services, à la recherche des copains qui ont partagé avec nous les bons et les mauvais moments des 28 mois passés au 18ème RA. Là, pour la circonstance, nous excluons les différences de classe. Anciens et bleus vont cohabiter.

A table 1 Les derniers jours approchent et nous voulons, avant une séparation peut-être définitive, (j’avais envie d’écrire, probablement définitive mais sait-on ce que l’avenir nous réserve) passer ensemble quelques heures pour immortaliser les souvenirs de chacun au travers de quelles photos. 

Nous décidons donc de nous retrouver autour de quelques gâteaux accompagnés de bonnes bouteilles du bon vin de Paul Robert.

Minouche et vin de PR Il est vrai que ce vin est fameux.

Ces vins tirent de 12 à 15° d’alcool et sont parfaitement constitués. Les vins rouges, sont d’une belle couleur, bouquetés, charnus, corsés, très fruités et susceptibles d’acquérir des qualités remarquables après plusieurs années de vieillissement.

Les vins rosés et les vins blancs sont parfumés, corsés, fruités, souples, très agréables.

Tous ces vins réputés proviennent des régions de Médéa-Berrouaghia, de Miliana, du Haut Dahra algérois (avec les trois centre de Paul Robert, Rabelais, Renault) d’Aïn Bessem et de Bouïra, dans le département d’Alger.

Ce sont des vins de montagne qui proviennent de vignobles situés à des altitudes variant de 500 à 1200 m. Depuis 1947, les vins produits par ces vignobles sont presque tous classés dans la catégorie VDQS.

Les habitants de ces régions disaient : «Les vins de chez nous» – Qui ne connaît leur haute et originale valeur ? Puissance et force à Renault, Charme et finesse à Rabelais, goût de terroir savoureux à Paul Robert … Trinité de joie et d’incomparable richesse que la terre renouvelle sans jamais se lasser pour récompenser l’émouvante fraternité qui unit dans l’effort le quotidien acharné de chacun. Texte de Marcel Florenchie

Pour en savoir plus, consultez, comme moi, le document de Jean Soler.

http://alger-roi.fr/Alger/agriculture_algerienne/textes/vins_algerie_ofalac.htm

Vous remarquerez à la vue des photos que je vous présente que le vin avait des effets certains sur l’ensemble des participants.

 Les vins du haut Dahra1 

Les vins du haut Dahra  

Le « Paul Robert » a des effets si dévastateurs que certains ne peuvent rester droits. Et que penser du photographe qui avait sans doute goutté à ce bon vin.  Je me suis interrogé quant à ces photos pour savoir si je devais ou pas les montrer et finalement, j’ai pris ma décision et je l’assume. Je prends l’entière responsabilité de ce que je fais et j’espère que ceux qui se reconnaîtront, (je ne donne aucun noms, ils veulent rester incognito, comme je les comprends) passeront un bon moment en revoyant les copains qui ce jour là ne pensaient à rien d’autre qu’à s’amuser pour oublier.  

Ce départ de Paul Robert, nous l’attendons tous avec impatience mais je suis probablement celui qui y pense avec le plus d’intensité. Je n’irais pas jusqu’à dire que ce départ me hante, m’obsède, mais… mais… mais, je sais l’attachement réciproque que nous avons avec Jean, mon frère, je suis sûr que cette séparation va être douloureuse pour nous deux, il faut que je trouve une solution.

Nous en parlons avec Gatty qui travaille avec moi au bureau Chiffre. Je suis en train de décoder mes derniers messages quand le secrétaire du Commandant Sturm (Il s’agit de VALLÉE Philippe que vous avez déjà vu sur la photo du volley) ouvre la porte de notre bureau. Il a probablement reçu un appel téléphonique car il vient chercher le message sur lequel je travaille. Je lui demande d’attendre quelques minutes pendant lesquelles il fait la causette avec Gatty. Sans le vouloir vraiment car je dois être attentif à ce que je fais, j’entends le secrétaire annoncer à mon ami qu’il prépare les départs de la 59 1/B.

Une idée me traverse alors l’esprit. Je lui donne le message et je l’accompagne jusqu’à son bureau. Il va remettre le message au Commandant et revient en me disant que je peux disposer, il viendra me donner la réponse du Commandant que je devrais transmettre à Ténès. J’engage la conversation sur les prochains départs et je lui demande s’il lui est possible de me faire partir en précurseur. – «Bien sûr» me dit-il, je n’y vois aucun obstacle.

Voilà, j’ai trouvé la solution à mon problème. Jean sait que je dois partir le 20 août, il ne doit pas apprendre que je pars en précurseur le 19 et ainsi la séparation ne sera pas aussi pénible qu’elle aurait pu l’être. Je pense déjà à ce que je vais pouvoir lui écrire pour lui expliquer ce départ caché, furtif. Comment va-t-il prendre la nouvelle ! Il va m’en vouloir, ça, c’est sûr. 

Avec le secrétaire que je vois maintenant régulièrement, nous préparons les quarante dossiers. Le 16 août, dans la clandestinité, je vais passer la visite médicale de libération. C’est le médecin Chef du Corps, l’Aspirant Bonnière qui me déclare bon pour le départ. Je dissimule mal ma joie. 

Ouf, je l’ai échappé belle ! Mais que se serait-il passé si au cours de cette visite je n’avais pas été reconnu apte au départ. J’avoue qu’à l’époque, je ne m’étais pas posé cette question. 

Un corse dont je ne me souviens plus le nom a été désigné pour m’aider dans ce travail de précurseur qui m’a été confié. Nous nous rencontrons avant le départ pour partager équitablement les différentes tâches et nous nous donnons rendez-vous le matin tôt au départ du convoi pour Orléansville. 

J’espère que tout va bien se passer. J’angoisse un maximum. Le soir comme à l’habitude nous nous retrouvons au bureau Chiffre avec Gatty et Jean pour prendre le café. 

JBB120

On reconnaît de gauche à droite, Gatty – Jean-Baptiste et moi.

C’est la dernière fois que nous prenons ensemble le café à Paul Robert.

Jean, n’a pas connaissance de notre petit secret et heureusement pour moi, il ne se doute de rien. Nous nous séparons comme si de rien n’était en se disant le traditionnel «A demain les gars».

Mais ce lendemain n’est pas un jour comme les autres. C’est aujourd’hui le 19 août. A 6 heures, mon ami corse et moi, arrivons presque ensemble sur le lieu de départ. Nous sommes facilement reconnaissables avec notre petite valise à la main et le dossier des libérables sous le bras. Il faut que je vous fasse part d’un détail important. Les véhicules en partance pour Orléansville se positionnent dans la rue à l’entrée du village, devant la boulangerie et face au local du standard. Derrière la fenêtre de ce bâtiment se trouve Jean-Baptiste. Je stresse … Pourvu qu’il n’ouvre pas les volets avant notre départ. 

Alors que nous attendons calmement que le convoi se forme, j’éprouve un moment de nostalgie. S’il est vrai qu’il est difficile de se séparer de tous nos amis, il n’en est pas moins vrai que les deux années passées dans ce petit village ont laissé des traces dans nos esprits, tout au moins dans le mien. 

Comment pourrais-je oublier ce mois de septembre de l’année 59 qui marque mon arrivée à Paul Robert.

Ai-je pensé en ce moment précis, à ce jour où je repartirai ! 

Comment pourrions-nous oublier, cette gentille dame qui traversait souvent la rue pour venir nous porter les œufs frais de son poulailler ! Il s’agissait de mémé Poisson.

Comment oublier ces résidents qui nous invitaient à leur table le dimanche ! 

Comment oublier les instants de détente que nous prenions au foyer entre militaires et habitants de Paul Robert ! 

Comment oublier le bar de Monsieur Martin et Ali son garçon de café !

Je viens d’apprendre que les gens du village l’appelaient Ali Loulou tellement il faisait dans ce bar, parti du paysage. Il a aujourd’hui 80 ans. 

Comment oublier les parties de Volley et de foot où se côtoyaient civils et militaires dans un match amical ! 

Comment oublier les répétitions et les présentations de nos chants et nos pièces de théâtre au moment des fêtes ! 

Comment ne pas penser à tous ceux qui n’ont pas eu comme moi, la chance d’être affecté au bureau Chiffre !  

Comment suis-je encore là, alors que plusieurs de mes copains ne reverront jamais la France, ne rejoindront jamais leur famille ! 

Comment ne pas penser à ceux qui partaient tous les jours en mission au péril de leur vie ! 

Comment ne pas penser à ceux qui ont risqué et parfois même perdu la vie pour sauver les habitations, les terres, les récoltes, les biens, les animaux de ceux que nous devions protéger ! 

Comment oublier ce 15 mai 1961, jour où la « Classe » fêtait son Père Cent !

100 jours nous séparaient de notre libération, ce fut une journée de petits fous très appréciée par chacun d’entre nous.

Certains, n’ont pas vu arriver ce centième jour. 

Comment pourrais-je ne pas avoir une pensée pour mes trois « frères » qui ont aujourd’hui des destins différents !

Joseph est rentré chez lui il y a déjà un an, Étienne est parti avant nous, il est marié et père de famille tandis que Jean-Baptiste doit rester à Paul Robert encore un an ! 

Il nous sera difficile d’oublier tout cela, d’oublier les mauvais moments mais aussi les bons et heureusement pour moi, il y a eu plus de bons que de mauvais. 

Mais au-delà de tout cela, comment ne pas avoir une pensée pour nos familles qu’il nous tarde de retrouver. La médaille du mérite devrait être décernée à nos parents qui attendent impatiemment notre retour et qui nous ont soutenu jours après jours presque 750 jours durant. 

Et comment, comment, comment, pourrais-je arrêter tous ces souvenirs qui défilent devant moi comme des éclairs ! 

Il me sera très difficile d’oublier tout cela. 

Le convoi est formé, nous sommes sur le point de partir quand les fenêtres du local standard s’ouvrent. Mon intuition ne m’avait pas fait défaut. C’est Jean, mon frère qui est là. Il me regarde les yeux hagards, absents. Il est visiblement stupéfait, interloqué, il ne sait que dire. J’ai tout faut, je voulais tant éviter ce moment de séparation difficile. 

Mais pourquoi donc a-t-il ouvert ces fenêtres avant notre départ !

Je n’ai jamais eu de réponse (je dis cela au moment où j’écris ce blog) si ce n’est que j’ai toujours supposé que la prémonition qui bouillait en lui avait fait son travail et que tous ses doutes, toutes ses pensées cachées l’avait conduit où il était au moment de mon départ. 

Très honnêtement, très sincèrement, je ne me souviens pas de ce qui s’est passé ensuite. 

Nous sommes-nous séparés d’un regard triste, d’un geste discret ! 

A-t-il eu le temps de sortir de son local et de venir vers nous !

Je l’ignore. Il faut que je l’interroge à ce sujet.

C’est fait, vous savez, je l’ai déjà écris… Jean et moi nous sommes retrouvés après l’armée, dans la vie civile et j’ai eu avec lui une explication au sujet de mon départ. Il m’a confié se souvenir de cet instant. Le convoi a démarré trop rapidement, presque au moment où il ouvrait ses volets. Il se souvient avoir tendu la main vers nous en signe d’adieu puis plus rien. Le convoi a quitté Paul Robert et a disparu.

A ce moment précis, je pense à cet insigne du 18ème RA que je porte accroché à la poche de mon blouson, depuis mon incorporation.

Je me sens comme obligé de vous le présenter. N’est-il pas normal que vous connaissiez les valeurs de ce régiment dont je vous parle depuis des mois. L’information sur cet emblème, je la dois à mon ami Jean Mouthon.

insigne 18RA    Copie (2) de Insigne couleur 18eRA

PLUTÔT MOURIR était la devise du régiment. 

Le convoi démarre, aujourd’hui ce ne sera qu’un aller simple. Je ne reviendrai sûrement jamais à Paul Robert. Je n’ose pas me retourner, je ne veux plus voir derrière. Paul Robert entre maintenant dans le passé. Seuls les souvenirs hanteront mes pensées, c’est là le sort de chacun d’entre-nous même si nous ne vivrons jamais nos souvenirs d’une façon identique. 

À Orléansville, nous prenons le train qui va nous conduire à Alger, environ 250 kilomètres si mes souvenirs sont encore bons. Le corse et moi ne communiquons que par bribes. 

Est-ce la faute au contexte ? 

Je crois que nous n’avons pas le cœur à parler. Nous paraissons tellement éloignés l’un de l’autre. Chacun est dans son monde. 

Enfin Alger !

Notre première préoccupation est de trouver un hôtel confortable où nous passerons deux nuits en attendant l’arrivée de nos trente sept copains de Classe.. (Nous étions quarante de la 59 1/B mais Étienne est déjà chez lui) C’est dans le centre de la ville que nous nous croyons le plus en sécurité. 

Nous commencerons par apprécier une bonne et longue douche. Nous prendrons notre tenue civile et d’un bon, d’un seul, nous rejoindrons les boulevards de cette grande ville d’Alger. 

Quelques photos de cette belle ville pour vous faire rêver un peu.

La plage El Kettani à Bab El Oued1   

Le Front de mer

Le front de mer1   

La Plage El Kettani à Bab El Oued

La place Emir Abdelkader1   

La Place Emir Abdelkader

Le théâtre national1   

Le Théâtre National

Ce soir, c’est décidé, nous allons nous payer une petite fantaisie, nous mangerons au restaurant. Les boulevards défilent sous nos pas, nous sommes dans la grande ville, la Capitale. Je l’avais à peine vue à mon arrivée, je commence à la découvrir d’un autre œil. Je ne me souviens plus si je lui avais dit «Bonjour» mais je me souviendrais toujours, lui avoir dit «Adieu». Nous commençons à goûter à la vie civile. 

Alors que nous nous arrêtons souvent pour lire le menu sur le tableau devant les entrées des restaurants, j’ai l’agréable surprise de voir déambuler face à nous, le frère de Max (vous vous souvenez, c’est chez lui que nous sommes allés en permission à Oran avec Bonnet Raymond) c’est aussi le frère de Guy, (le para, qui m’a donné l’adresse de Max) Le hasard me fait donc rencontrer le troisième larron. Il s’appelle Yves, on le surnomme Loulou. Il est dans sa belle tenue militaire alors que nous apprécions depuis quelques minutes notre tenue civile.  

Nous étions deux, nous serons trois comme les Mousquetaires. Pardon, ils étaient quatre.

Loulou nous conduit vers un resto qu’il connaît et force est de constater que nous avons fait un bon repas. Nous nous séparons et avec « mon » corse, nous rejoignons nos chambres. « Mon » corse … je n’ai jamais eu de ses nouvelles après notre retour en France. Je me souviens d’un homme mince, de taille moyenne, 1,75 m environ, il avait les cheveux courts et il était très brun. Ami corse, si tu te reconnais dans cette description, fais-moi vite un petit signe. 

Nous sommes disciplinés, le Directeur de l’hôtel nous a conseillé de ne pas trop nous attarder. Nous sommes épuisés. Nous allons appréciés le repos dans un bon lit. Nous préparons nos dossiers avant de glisser sous les draps car nous avons rendez-vous demain matin pour organiser l’arrivée de nos copains. 

20 août 1961, c’est une belle journée qui commence. Nous partons nos papiers à la main bien décidés à mener à bien notre mission. Nous sommes baladés d’un bureau à l’autre mais notre patience est sans faille. Nous finirons bien par les avoir …  Je ne vais pas vous raconter notre journée dans tous ses détails, vous finiriez par vous lasser de cette lecture, mais sachez que nous avons accompli avec succès notre mission. 

21 août 1961, nous allons accueillir nos copains à la gare d’Alger et nous rejoignons tous ensemble le port.

Embarquement (1)

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers

Frémissants et tremblants sur ce quai tout mouillé

Ils déchiraient le ciel de leurs yeux défaillants

Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Embarquement (2)

C’est le grand départ, le jour que j’ai espéré si longtemps

Emmenez-moi 
Au bout de la terre 
Emmenez-moi 
Au pays des merveilles 
II me semble que la misère 
Serait moins pénible au soleil. 

Nous embarquerons sur le Kairouan.

 Le Kairouan 10  Regardez comme il est imposant.

Une traversée très calme nous conduira à Port Vendres

L'arrivée du Kairouan à Port Vendres  

où nous arriverons le 22 août 1961.

Pour moi, pour nous,  c’est la FIN de la guerre d’Algérie. 

Mais combien sont-ils encore à risquer tous les jours leur vie ?  

Combien de temps encore y resteront-ils ? 

Tableau des pertes françaises  Ce tableau des pertes françaises en Afrique du Nord de 1952 à 1962 en dit long, bien long sur l’inutilité de cette guerre, et tout ça pour rien, serait-on tenté de dire. 

Mais ne gâchons pas les joies de cette arrivée. 

Quel beau jour, ce 22 août. Enfin, nous retrouvons la France.  Je n’ai pas vu de panneau signalant LA FRANCE mais de loin, de très loin, je l’ai reconnue. J’ai l’impression que je ne l’ai jamais quittée. 

De plaines en forêts, de vallons en collines

Du printemps qui va naître à tes mortes saisons

De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine

Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson

Ma France

Avec elle, je vais retrouver : LA LANGUE DE CHEZ NOUS. 

Je me souviens : 

C’est une langue belle avec des mots superbes,

qui porte son histoire à travers ses accents,

où l’on sent la musique et le parfum des herbes,

le fromage de chèvre et le pain de froment.

 (j’ai l’impression de chanter du Ferrat) 

Dans cette langue belle aux couleurs de Provence,

où la saveur des choses est déjà dans les mots,

c’est d’abord en parlant que la fête commence,

et l’on boit des paroles aussi bien que de l’eau.

C’est une langue belle à l’autre bout du monde,

une bulle de France au Nord d’un continent,

sertie dans un étau mais pourtant si féconde,

enfermée dans les glaces au sommet d’un volcan.

C’est une langue belle à qui sait la défendre,

elle offre les trésors de richesses infinies,

les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre,

et la force qu’il faut pour vivre en harmonie.   

Je suis ému aux larmes, j’ai l’impression que je vais craquer. Instinctivement je lève la tête comme pour remercier le ciel de m’avoir permis de revenir, il est beau, tout bleu, sans un nuage. 

Les uns derrière les autres, nous descendons les marches de ce long escalier qui nous conduit vers le quai. En bas, les jambes légèrement écartées, un adjudant surveille. Alors que rien ne le laissait pressentir, il hèle d’une voix puissante.

Eh, vous là haut !

Tous les regards se dirigent vers la voix qui nous interpelle et je comprends très vite que c’est à moi qu’il s’adresse.

Je le regarde, surpris, et sans dire un mot, il me montre mon calot que j’ai laissé positionné sous mon épaulette. J’avais perdu l’habitude de ce langage muet, de ces ordres rigoureux, incompréhensibles. Nous sommes maintenant dans un autre monde. 

Ici, c’est la France, il n’y a pas la guerre, méfions-nous. Je mets mon calot sur la tête, il a l’air content le juteux, tant mieux. Je ne dois pas oublier que je suis encore militaire en permission libérable de 6 jours à compter du 23. J’ai bien fait d’obéir, parmi la foule qui stationne sur le quai, j’aperçois

ma mamé Léa, F Léa 

ma maman F Hélène 

et mon papa. F Léon 

Ils sont venus de Nîmes jusqu’à Port Vendres pour être les premiers à me voir.

Nous nous sommes longuement embrassés, ma mamé et ma maman pleuraient à chaudes larmes. Je les prends par le bras, mamé à gauche, maman à droite, papa ouvre la marche ma valise à la main. Nous allons vers la gare de Port Vendre où nous prenons le train pour nous rendre à Nîmes. 

Avec mes copains d’armée, nous nous sommes séparés sur le quai sans se dire au revoir, trop émerveillés que nous étions de retrouver nos familles, et je crois même que nous ne nous sommes pas rendu compte de cette séparation. Chacun de nous découvrait les joies retrouvées, le bonheur de l’amour familial si longtemps absent.

A la maison, toute ma petite famille est là. Mes sœurs, mes beaux frères, mes nièces et mes neveux.

Le papé  F Auguste 

pour fêter l’événement, a revêtu son beau costume pour faire honneur à mon retour. Ils sont tous autour de moi et me posent des tas de questions auxquelles je m’efforce de répondre de mon mieux. 

Bientôt, je reprendrai contact avec la vie civile, il s’agit d’un moment que j’ai toujours espéré et surtout tant attendu mais aujourd’hui je suis comme envahi d’une peur que je ne m’explique pas. J’appréhende le regard des autres. Comment vais-je retrouver, mes rues, mes avenues, mes boulevards. Reconnaitrais-je les gens qui y circulent. 28 mois, c’est tellement long, tant de choses peuvent avoir changé. Quel regard vont-ils porter sur moi… Comment vont-ils m’apprécier ! Que vais-je représenter à leurs yeux !  Que de questions qui restent sans réponse. 

Et la vie reprendra tout naturellement le dessus. Mes amis, je ne les oublierais pas. J’ai promis de leur écrire souvent, je ne veux pas interrompre nos relations.

.

Me voilà donc installé dans mes premiers jours de liberté.

C’est beau la liberté,

être enfin libre c’est merveilleux, presque incroyable !

liberté

.

Ma liberté,

longtemps je t’ai gardée, comme une perle rare,

Ma liberté,

c’est toi qui m’as aidé à larguer les amarres.

Pour aller n’importe où,

pour aller jusqu’au bout des chemins de fortune,

Pour cueillir en rêvant une rose des vents sur un rayon de lune.

Moustaki

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

J’avais 14 ans,

c’était l’année où je devais passer le CEP,

Certificat d’Etude Primaire.

Je me souviens, j’apprenais «Liberté» de Paul Eluard.

.

J’ai gardé cette poésie

dans l’armoire des souvenirs de mon enfance.

Je vous l’offre,

elle est tellement belle.

N’y voyez rien de dérisoire, bien au contraire.

Ce présent est en corrélation parfaite avec un vécu qui finit ici.

.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

.

Liberté

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

.

Une citation que j’adore.

Ecrire liberté sur le bord d’une plage, c’est déjà avoir la liberté de l’écrire.

Même si la mer efface ce mot : la liberté demeure.

Jean-Michel Wil

.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

.

Eh bien, le croirez-vous ! Aujourd’hui 10 décembre 2010, je viens de retrouver mon ami Roger Rousseau qui était avec moi à Paul Robert. Nous avons fait chambre commune durant des mois.

Il était graphiste, le voici à son poste de travail en ma compagnie.

Des images déjà vues mais tellement belles à revoir. 

JJ Rousseau

Ici, cool avec Le Clanche Joseph notre ami commun.  

Le Clanche et JJ

Voilà notre chambre, une ancienne bergerie.

Chambre

L’intérieur de notre chambre.

De gauche  à droite : Hermentier, Ballandras, Rousseau, Borel, Dumas, Gelb et Bonnet  

chambre 2

Là, notre terrain de jeux spécialement emménagé pour nous. Rousseau et Dumas.  

Chambre et cour

Je peux vous avouer que je l’ai longtemps cherché mon ami Roger, en vain. Cela vient du fait qu’il était surnommé Jean-Jacques et nous ne savions pas l’appeler autrement que comme cela, à tel point que cinquante ans après je ne parvenais plus à me souvenir de son vrai prénom. C’est Borel Hubert qui me l’a rappelé. «Roger» m’a-t-il dit. A partir de là, tout devenait plus facile car je me souvenais qu’il habitait Saumur mais de Rousseau Roger à Saumur il n’y en avait plus. Allais-je pour autant baisser les bras, il n’en était pas question et ma persévérance, mon obstination ont fini par payer.

C’est Monique son épouse qui a décroché le téléphone. Je me suis présenté et elle a tout de suite compris ce qui me conduisait vers eux. Elle a appelé Roger et quelques instants plus tard, je l’entendais dire «Roger, on te demande». Un petit chuchotement sans suivi et dès le premier «Allo», j’ai senti un sourire éclore sur le visage de ce doux et modeste garçon que j’avais eu la chance de connaître dès 1959. Monique, avait comme on dit, «vendu la mèche» (Oh ! ce n’était qu’une petite trahison de notre secret) et je sus très rapidement que Roger avait fait l’analyse de cet appel. Je comprenais sa joie tellement il paraissait ému. Nous avons ensemble relaté nos souvenirs réciproques, le poste des graphistes, son amitié avec Jo, notre chambre, les repas entre copains, notre terrain de jeu et puis, il m’a fait part des moments pénibles qu’il avait connus et que d’ailleurs j’ignorais. A mon tour, je lui ai rappelé des scènes qu’il avait oubliées. Nous avons eu tous les deux à faire aux agressivités, à la haine de l’Adjudant Renaud, ce n’est pas peu dire. Ce fut un merveilleux moment que nous avons renouvelé avec des échanges de photos et de vieilles lettres.

.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

.

Et pendant que j’engageais des recherches pour retrouver des amis perdus de vue, mon blog commençait à être lu, par des anciens du 1/18° RA et j’ai encore en mémoire ce petit commentaire que mon ami Claude Barthet m’avait laissé, c’était le premier d’une longue liste. Mais il n’y avait pas que des anciens du 18° RA qui venaient vers moi. Jacqueline Bognon, était en recherche de renseignements sur le décès de son papa, Paul Bognon, et c’est tout naturellement qu’elle a pris contact avec moi. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés. Des gens de toute part m’écrivaient et c’est ainsi que j’ai connu et entretenu des relations avec des résidents de Paul Robert, quoi de plus normal. Madame Cellier Huguette a été la première ancienne résidente de Paul Robert à me téléphoner. J’ai eu aussi des contacts avec des gens ayant vécu les villages et les villes environnantes. Je me souviens de ce jeune homme qui n’était à l’époque qu’un enfant du village et qui m’avait appris que très souvent il jouait dans l’épicerie avec le petit fils de Monsieur Martin. Il y a eu aussi cette dame qui s’est présentée comme étant la fille de mon ami Ballandras. De nombreux échanges ont fait que ce blog perdure et vit au présent. Je vais continuer si vous m’y aidez.

Le hasard, est venu à mon secours et m’a permis de faire la connaissance des anciens de la région d’Orléansville. Ils se sont regroupés en Amicale de la Plaine du Cheliff et du Dahra. Une page est à votre disposition. Elle relate ma brève apparition lors de la Pentecôte de 2010. Ils se rencontrent une fois par an. Cette année, ils se réunissaient à Lattes dans le département de l’Hérault. J’ai eu l’honneur de faire la connaissance du Président, Alain Pastor et de Jacques Torrès dont j’ai déjà évoqué nos échanges. C’est grâce à lui que j’ai retrouvé des informations qui manquaient à mon blog afin d’être plus précis.  Allez lire l’histoire poignante du Garde Champêtre, Monsieur Sigaud Louis, raconté par sa belle-fille que je remercie pour son autorisation quant à la publication de ce récit. Merci aussi à son fils, Robert qui me permet d’apposer les photos de son papa et de toute sa famille. C’est un récit bouleversant.

Ne dit-on pas que dans la vie, toute histoire a une fin mais que chaque fin annonce un nouveau départ.

C’est probablement vrai, et je savais lorsque j’ai commencé à écrire, que les pages qui composent ce blog se refermeraient un jour.

Ce moment, que je n’attendais pas aussi vite, est arrivé. Il est là et je dois, bon gré, mal gré, l’accepter.

Je suis donc sur ce nouveau départ mais il m’est difficile de tout arrêter aussi rapidement.

Vous n’allez peut-être pas me croire mais j’ai du mal à vous quitter. Je vois la fin de mon épopée apparaître, non pas comme je l’avais commencée, avec enthousiasme, mais avec un brin de nostalgie, cette fin me rend triste, me dérange, je ne me l’explique pas.

Je ne souhaite pas que cette histoire, notre histoire, se termine tristement et aussi rapidement.

Ce ne sera pas un adieu mais un simple au revoir.

Je vous invite donc à poursuivre cette lecture même si elle n’évoque plus mon vécu en Algérie.

Merci, un grand, un très grand merci à toutes et tous. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire vos commentaires et j’ai, pour la circonstance, ouvert une nouvelle page dans laquelle ils sont tous répertoriés.

Bon, c’est décidé, je ne pars pas, je ne pars plus, je reste. Je serai toujours là pour ajouter vos récits, vos photos, vos petits mots plein de gentillesse à mon égard. Je serai là pour relater vos souvenirs.

Je ne vous abandonne pas.

A bientôt.

.

 

« C’est en allant vers la mer

que le fleuve reste fidèle à sa source »

Jean Jaurès

 .

Carte Algérie scan 1

Nouvelle carte de l’Algérie

avec les nouveaux noms des villes

à partir de 1962

On remarquera la situation de Taougrite (Paul Robert)

avec celles de Ténès et de Chlef (Orléansville).

Avec un peu d’imagination,

on peut voir que ces trois villes forment  entre elles

un triangle équilatéral

dont Taougrite serait placée à l’Ouest.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

 

Merci de votre visite

 

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N’oubliez pas de laisser

vos commentaires.

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